Voyant que son succès a atteint l'Europe, Nils LOFGREN est sur un petit nuage, de quoi faire des acrobaties dans le ciel ; pratique pour un gymnaste, même avec une guitare électrique entre les mains. Comment expliquer alors ce I Came to Dance survenu tel un cheveu sur la soupe ?

Enregistré tout comme une partie du précédent aux studios Bias de Springfield en Virginie, ce troisième disque solo est co-produit par l'artiste lui-même avec le batteur Andy Newmark, qui a fait partie de SLY & THE FAMILY STONE ainsi que du groupe de George HARRISON, accompagné Carly SIMON au faîte de sa popularité et est en passe de devenir un des batteurs les plus appréciés de cette époque 75-85. LOFGREN rappelle Wornell Jones de plus belle à la basse tout comme son propre frère à la guitare rythmique et complète le groupe avec le piano du révérend Patrick Henderson, spécialiste texan du gospel qui a pas mal collaboré avec les DOOBIE BROTHERS.

Le reste de l'instrumentation est confié à un certain William Eaton, aussi bien en ce qui concerne les choeurs que les cordes et cuivres, et outre mille voix (ou une dizaine, ce qui revient au même), on croise le nom déjà prestigieux de Mike Mainieri, percussionniste fondateur de STEPS AHEAD. Tout cela pour quoi ? Un album parfois inspiré dans ses arrangements, avec de bonnes idées disséminées çà et là, mais aussi un propos à la limite du barbant, très connoté soul mais inadapté pour un chanteur plaisant mais limité.

"I Came to Dance" est bien ficelé et efficace, mais sous des dehors beaucoup trop sucrés, telle une Motown de seconde zone. LOFGREN peut bien nous faire le coup du monologue charmeur sur le pont, sa séduction vocale ne dépasse pas un certain point. Et c'est une musique qui requiert beaucoup de dynamique, donc ! La batterie de Newmark joue ce qu'il faut, tout le long de l'album, avec la double cymbale charleston honorée au maximum, le piano comme les choeurs fournissent un bel ensemble sur "Happy Ending Kids", mais c'est bien tout.

Idem pour "Home is Where the Hurt Is" ou le plus rock "To Be a Dreamer" mené par le révérend Patrick Henderson et les cordes, ponctué d'une guitare héroïque. Il manque de la mélodie mais aussi de l'authenticité, et encore une fois c'est un style beaucoup trop lourd pour Nils LOFGREN, dont le chant n'est pas la principale qualité. Il peut minauder sur "Jealous Gun" au milieu de ses choeurs 'meilleurs que lui', le morceau n'est qu'une bonne bluette soul agréable, bien que toute en énergie.

Le morceau qui réunit le mieux ces éléments et de loin, reste "Code of the Road", bien balancé avec son groove, plus direct et adapté (choeurs compris) au registre de l'artiste que le reste. Peu après, "Goin' South" épique avec le vibraphone de Mike Mainieri, est vraiment à défendre lui aussi malgré son aspect bordélique et qui nous fait dire 'la prochaine étape, Nils, c'est le disco' ! Last but not least, "Happy", reprise des ROLLING STONES, si elle n'est pas mémorable pour autant, se laisse apprécier par son mélange de guitare slide et de basse slapée, un harmonica supplantant les cuivres.

Cela reste quand même un album décevant, comme si le contenu était un peu trop vite et bien annoncé par la pochette avec un LOFGREN plus poseur que jamais (les pochettes suivantes ne le feront pas briller autant, mention spéciale à Night After Night 1981, où on le croirait au sortir de la sieste). À sa sortie, les critiques ne lui font aucun cadeau, mais le succès s'accentue aux U.S.A. (top 40) ainsi qu'en Suède où il fait encore mieux que le précédent.