Passé la barre de 1980, Nils LOFGREN est toujours un second couteau plus ou moins apprécié, qui peut-être a décidé de lever un peu le pied en termes de création. Son dernier album pour A&M Records, Nils (1979), malgré l'appui de célébrités musicales ainsi qu'une petite percée inattendue en Allemagne côté succès, sans oublier la Suède, est témoin d'un relatif manque d'intérêt de la part des autres pays et plutôt en hausse, notamment la Grande-Bretagne où les précédents avaient si bien marché. Le fait est qu'au vu de la qualité musicale fluctuante elle-même d'année en année, on ne peut pas trop le regretter, et ce n'est pas Night Fades Away (1981) qui va changer cela.

Fini le petit tour d'une côte et d'un bord de frontière à l'autre pour l'enregistrement : ici, LOFGREN se pose à nouveau en Californie et avec tout de même encore quelques moyens sympas. Il faut dire que le producteur ici n'est autre que Jeff 'Skunk' Baxter, de STEELY DAN et des DOOBIE BROTHERS, qui a au préalable travaillé pour NAZARETH (le groupe hard-rock écossais) ainsi que Bob WELCH (ex-FLEETWOOD MAC), fondamentalement guitariste lui aussi donc, une première parmi les producteurs de l'ami Nils. Pour autant, sur cet aspect, tout n'est pas forcément du meilleur choix dans cet opus, le premier des deux publiés par MCA (via le label Backstreet).

Ceux qui ont déploré le manque de vitalité du disque précédent (produit par Bob Ezrin pour rappel), en espérant mieux ici, ne doivent pas se laisser prendre par une telle photo de pochette, prise 'au réveil'. Rien de sauvage ni de franchement détonnant ici, Night Fades Away est un album de 'petite forme', malgré son collage d'idées intéressantes, le soin apporté dans l'accompagnement musical. On apprécie modérément le morceau-titre, à cause d'un solo criard notamment, du reste pour un ensemble très axé guitares en toute logique, et qui apporte le son clair, sans excès de début 80's. La coolitude est portée par un riff soul en grands accords ouverts à la Bruce SPRINGSTEEN.

Tel parallèle n'est pas incongru quand on se rend compte que ce disque fait un peu penser à un entre-deux avec le Boss d'un côté et, de l'autre, TOTO. Et pour cause, partielle, David Hungate joue de la basse sur la reprise de Del SHANNON (où on peut l'entendre lui-même d'ailleurs, au sein des choeurs), icône de la country-rock'n'roll, avec un bon esprit rock de la East Coast, mais un rien traînard et répétitif malgré tous les efforts du génial pianiste Nicky Hopkins (The ROLLING STONES). Il y a ensuite et surtout Jeff Porcaro, le batteur historique des quinze premières années de TOTO, sur une partie des titres : "Sailor Boy" ainsi que la reprise des BEATLES, "Anytime at All".

Si l'on n'en parle pas plus, c'est que malgré la sympathie que suscite Nils LOFGREN, il n'y a rien de très reluisant ici. Lui et Baxter font intervenir sur "Don't Touch Me" le saxophoniste Jerry Petersen, à l'époque surtout audible près de Kim CARNES, tandis que le piano pourtant justifié cette fois de "Empty Heart" vient se noyer dans les synthés kitschs, congas et autres. La basse est délicieuse, le solo affûté, l'ambiance belle, bref, c'est l'un des rares titres à retenir ici de même que l'éponyme.

Il y a aussi "Ancient History" partagé entre piano jazzy, couplets reggae et refrain rock mordants, avec cette guitare du prodige qui vrombit de nulle part. Un excellent titre moderne, jusque dans l'utilisation du Vocodeur, à point. L'inverse de "In Motion" qui ne relève pas la barre pour la fin de disque cette fois, hésitant entre influences latines (trompette fournie), cordes pizzicato et rock du New Jersey. Un disque 'au petit bonheur la chance', cette formule semblant avoir servi pour la création également. Quelques charmes mais rien de définitif.