AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

Every Breath est un élément très à part dans la discographie de Nils LOFGREN, pas seulement parce qu'il a décidé de s'essayer à la bande originale de film ! Edité par Stampede et Hilmer Music, labels plus ou moins durables à l'initiative de notre artiste (mais aussi pour le second, une compil de Ringo STARR/ALL STARR BAND), distribué par SPV GmbH depuis Hanovre en Allemagne (aujourd'hui inclus au catalogue de Napalm Records), l'album est un vrai-faux ensemble de chansons classiques mêlé de deux instrumentaux.

Pour ce qui s'apparente à un film de série B, Every Breath (en français Triangle Infernal) réalisé par Steve Bing, sorti en 1994 sans coup d'éclat ni dans les acteurs ni auprès du public (une VHS existe mais point de DVD), avec un mélange sulfureux polar-noir/action/érotisme, LOFGREN décide de créer l'équivalent d'un CD presque entier (1h13 minutes) de chansons avec deux instrumentaux tout de même. Chansons où il alterne entre sa propre voix, celle du bluesman Tom Lepson (du groupe LAZY BOYS, deux albums au milieu des nineties) et celle de Bonnie Sheridan, mieux connue sous le nom Bramlett ou simplement BONNIE aux côtés d'un certain DELANEY, duo sacré de la soul-country depuis le déut des années 70.

Si l'on ne peut pas voir le film, on reste surpris d'un tel choix, quand bien même on en comprend la faculté d'insertion dans une telle oeuvre avec certains des canons musicaux de l'époque, entre slows toujours marqués par les 80's et retour aux sources de la musique américaine, avec un blues chevronné quoique modernisé (et, pour le coup, débarrassé des éléments grunge du dernier album en date de LOFGREN). Toutefois, même si la B.O révèle un bel intérêt sur toute sa longueur, elle traîne un peu justement, insiste sur certaines idées dont l'étirement (huit minutes pour "Tender Love" entre autres) n'est pas forcément justifié.

Pour le côté le plus 'roots', Lepson est à l'honneur dès "No Return" jusqu'à "A. Lefty", toujours avec un bon background. Côté musiciens, Nils retrouve en partie son comparse Andy Newmark à la batterie, mais celui-ci est 'aidé' une partie du temps par Denny Fongheiser (Tracy CHAPMAN et futur HEART), tandis que notre guitariste-chanteur décide de tenir également la basse et tous les claviers sauf l'orgue occasionnel, joué par Lepson. Au saxophone pour la plupart des titres chantés par ce dernier, c'est Al Williams (collaborateur de Stanley CLARKE, entre autres) et à l'harmonica, Mark Wenner (NIGHTHAWKS, BLUE RIDER TRIO).

Ça joue bien, pépère, trop parfois, à l'image de "No Return" voire "No Tomorrow" où heureusement la guitare lyrique du petit maître brille un peu aux côtés du piano, de même que Bonnie Sheridan/Bramlett qui apporte quelques intentions malsaines à un slow bateau. Là où LOFGREN est plutôt tranquille et marquant d'habitude, de la folk ample et profonde, "Dreams Come True" tourne l'aise au pluriel et ne décolle pas vraiment ; on peut lui préférer "Alone" dans le style. De même, la ballade "Tender Love" un peu trop généreuse mais où l'on reconnaît le bon toucher laid-back de Newmark à la batterie.

"Rainy Nights" introduit le sax et se laisse écouter mais moins que "Good Day For Goodbyes", blues de bar chanté par Lepson et efficacement balancé. Bonnie Sheridan/Bramlett réussit plutôt ses accointances avec le même genre sur "Tryin' Not to Fall" et le générique final "Fallen Into His Hands" qui verse carrément dans le gospel, choeurs par elle-même et orgue de Lepson à l'appui. Enfin, pour ce dernier encore, on note "Take Me Home" à la très bonne interaction chant-instruments, notamment celle du duo guitare-harmonica. Une composition rare de LOFGREN avec quelqu'un d'autre, en l'occurrence son épouse de l'époque, Cis Rundle, actrice qui d'ailleurs apparaît au milieu des nombreuses belles jeunes femmes du film.

Les deux instrumentaux "Tough Trails" et "Lions Wake", relativement courts (deux et trois minutes), sont sympathiques. Le deuxième surtout propose une incursion folk-blues vraiment réussie de la part de Nils à la slide monolithique. On se laisse également surprendre par "Out of the Grave" qu'il chante grave justement, façon 'man in black', long coat ou non, bien garni sur huit minutes de nouveau avec des parties jam, tribales. Pour autant, si tout cela fait de Every Breath une curiosité, parenthèse réelle, il ne s'agit point d'un jalon essentiel de sa carrière.