J’ai un problème avec cet album, une sorte de rancune. Je m’explique. Je suis un grand amateur d’INDOCHINE, et INDOCHINE fait partie de ces groupes soit adulés par des fans hystériques, soit haïs par d’autres qui vont directement citer "Isabelle a les Yeux Bleus", la parodie des INCONNUS, pour enfoncer cet argument : INDOCHINE c’est ringard ! Et il est vrai maintenant, à l’écoute de 3, que j’ai un peu du mal à assumer mes goûts.

3, troisième album d’INDOCHINE (Naaan sans déconner ??), s’inscrit dans la continuité de ses prédécesseurs. Une New-Wave très à la mode, mais dans la langue de Molière, s’il vous plaît. Si le single "L’Aventurier" fut un véritable carton trois ans plus tôt, c’est avec 3 que le groupe se hisse au sommet des groupes de rock français. Cet album regorge de tubes, notamment "3ème Sexe", "3 Nuits par Semaine", "Canary Bay" ou "Tes Yeux Noirs". Certes, ces chansons sont des tueries, mais il faut bien reconnaître qu’elles ont mal vieilli. L’utilisation à l’excès de la boîte à rythme et de synthés en tout genre étouffe les compositions, plutôt bonnes quant à elles. Il suffit d’écouter "Canary Bay" pour comprendre ce qu’il en est : chœurs désincarnés, synthés de fausses cloches, pire encore, faux violons, etc. La production 8O’s fait des ravages (au sens premier du terme) ici, alors qu’elle était tolérable sur les deux premiers albums.

Ce disque, par son immense succès, rassemble tous les clichés dont souffre la bande de Nicola SIRKIS. Des paroles ambiguës et incompréhensibles, leur look à la The CURE, les 'Pom Tchak tchak pom tchak pom tchak tchak pom' à la louche, les notes de guitare de Dominique NICOLAS, inventives sur "L’Aventurier" et "Le Péril Jaune", ici comme auto-parodiées. Et qui dit tubes à la chaîne dit forcément matraquage radio. Résultat, à la énième diffusion de "3 Nuits par Semaine" ou de "3ème Sexe", on a comme des envies de meurtre. Et je ne parle pas des soirées avec tout le monde chantant à tue-tête : Et ooooon se prend la maaiiiin (2 fois)/ Une fiiille au masculiiiin / Un garçon au féminiiiin !

Encore une fois, les chansons ne sont pas mauvaises, à part "Le Train Sauvage" (pour le coup vraiment sans intérêt) mais l’épreuve du temps ne leur a pas été favorable dans leur version studio. Restent quelques perles cachées parmi les gros tubes, comme "Salombo" à l'ambiance orientale intéressante, ou "Hors-la-Loi" et "A l’Assaut des Ombres sur l’O", particulièrement entraînantes.
Heureusement, les versions live de "Tes Yeux Noirs", "Canary Bay" ou même de "3ème Sexe" leur redonnent une énergie nouvelle, plus rock, plus puissante. Mais comme c’est l’album ici présent que je chronique, je ne peux tenir compte de ces futures prises live.

Donc oui, ces tubes trop souvent entendus avec leur production poussive finissent par agacer. 3 est l’album qui conduit INDOCHINE à la fois à la gloire et dans le collimateur de ceux qui voudront nuire à sa réputation. Et malheureusement, on ne peut pas vraiment donner tort à ces derniers sur ce coup-là.

3 reste le plus grand succès d’INDOCHINE, jusqu’à la sortie de Paradize, 17 ans plus tard. L’album suivant, 7000 Danses, marquera le début du déclin du groupe (les détracteurs ont bien fait leur boulot), mais sera nettement meilleur artistiquement.

Allez, réécoutons-nous "Canary Bay", "Tes Yeux Noirs" ou "3ème Sexe" quand même car ce sont malgré tout de bonnes chansons, mais dans leur version live et non celle de l'album.