C’est le cœur serré et la gorge sèche que j’attaque la chronique du légendaire L’aventurier. Ce skeud contient sans doute l’hymne du rock français, sans faire injure à TELEPHONE ou NOIR DESIR. J’étais jeune ado alors, et je m’en souviens parfaitement. Le titre a commencé à tourner en boucle sur les ondes radiophoniques. Je me souviens de m’être rapidement demandé d’où sortait ce truc étrange. J’écoutais les SHADOWS à l’époque et le son de guitare était évidemment tiré des œuvres complètes de Hank Marvin, leur soliste, clair et nimbé de reverb'. En revanche, la voix et les textes sortaient de nulle part. Une seule certitude, nous nagions dans la grande mer de la nouvelle vague.

Le jour où Dominique Nicolas se fait voler ses bécanes, il constate que son compte en banque ne lui permettra pas de renflouer son matos, et il décide de switcher définitivement à la guitare. C’est donc un guitariste peu chevronné mais fourmillant de millions d’idées que nous retrouvons ici. Il se lance dans le grand bain en compagnie de Nicola Sirkis, chanteur de leur groupe LES ESPIONS, qu’ils quittent rapido. Ils décrochent –inexplicablement – un contrat suite à un concert au rose bonbon, je vous dis pas le look du concert : Nicola demande à Stéphane son jumeau de tenir les claviers – il ne sait pas vraiment jouer au début – et Dimitri, un pote de 17 ans qui débute au sax, complète la formation. Ce serait à mourir de rire si nous n’étions pas en 1981, époque bénie des Dieux où tout était encore possible. Du coup, c’est avec un petit contrat en poche que nos djeuns répètent, puis investissent le studio pour 3 jours. Il ne faut pas longtemps pour créer une légende. Ce miracle serait aujourd’hui impossible.

Six morceaux, c’est pas lourd. Mais quand sort le 45-tours de "L’Aventurier" peu après le flop de "Dizzidence politik", leur premier single, la magie opère et ne s’est depuis jamais démentie. L’opus major est là, indétronable, sanctifié de son vivant par une cohorte de fans, multi-générationnel et incritiquable. Les textes sont dignes d’une BD foireuse, le chant de Nicolas toujours à la limite du supportable pour tout vocaliste classique qui se respecte. D’ailleurs, on a souvent du mal à saisir toutes les subtilités des paroles, quand on les comprend ! La boîte à rythme date de 1982, cela devrait être suffisamment éloquent pour ne pas en dire davantage. Certes, mais la guitare ! Cette guitare fabuleuse, simple mais si belle et si radicale qu’elle vaut à Dominique une place à part dans la communauté des gratteux – On attend toujours son album solo d’ailleurs, prévu pour 2012 ? –. En fait, la force de cette composition frondeuse et charmeuse réside dans sa dynamique absolument inégalable, et je pèse mes mots. Je suis un adorateur de ce titre depuis désormais 30 ans, ce n’est pas rien, il n’a pas pris une ride.

On n'en dira pas autant de "Dizzidence politik" au rythme canardesque et aux 'palapalapapapapa' d’opérette. La face B de L’aventurier, "Indochine" ("Les 7 jours de Pékin" est en revanche un rock’n’roll de bon aloi. "Leila" peut être charmante ou irritante suivant votre humeur du moment. Mais j’avoue trouver un vrai plaisir dans l’écoute de "L’opportuniste" de Jacques DUTRONC rehaussé de claviers grandiloquents. Enfin, "Doctor Love" est le seul autre titre réellement convaincant du lot. J’en aime beaucoup le petit refrain sous acide.

Bien entendu, ce disque est légendaire car il contient "L’aventurier", chef-d’œuvre épique du rock français. A ce titre, il mérite toute notre considération.