On croyait que c’était la fin, mais pas du tout. Le chroniqueur royal reprend donc du service et va jusqu'au bout de son engagement : il se fait hara-kiri pour aller constater au coeur-même du paradis la façon dont a été conçu cet ultime rejeton de la Reine.

Mais on doit vite se rendre à l’évidence : Made In Heaven n’a pas été composé par Freddie Mercury après sa mort et les autres membres du groupe n'ont pas réussi à récupérer la partition en faisant tourner les tables. Il s’agit en fait d’un regroupement de titres, composés à diverses époques et issus de divers projets (album solo des uns ou des autres), mais retravaillés pour l’occasion afin de coïncider davantage à la marque de fabrique de QUEEN.

Probablement sponsorisé par la marque Kleenex, le groupe nous offre ici des morceaux proprement frappés de lyrisme, dans son versant mélancolique le plus souvent, cherchant à susciter l’émotion chez l’auditeur et à faire sourdre quelques larmichettes de ses globes oculaires compatissants. Mais pour ceux qui n’ont rien contre les humeurs lacrymales, l’album se révèle tout à fait appréciable. On peut y goûter une dernière fois les performances vocales de Freddie Mercury ainsi que le travail d’arrangements, vraiment réussi, des trois survivants.

L’un des exemples les plus frappants en est le morceau titre, "Made In Heaven" qui se trouvait à l’origine sur l’album solo de Mercury, Mr Bad Guy, dans un habillage pop synthétique assez anecdotique. Ici, on le retrouve doté de transitions excellentes (un riff de guitare héroïque, simple mais efficace), ainsi qu’un écrin musical, batterie appuyée juste ce qu’il faut et guitare de dentelle fine, qui met remarquablement en valeur la voix de Mercury, en en faisant ressortir toute la pulpe émotionnelle. Et l’on passe d’un titre sympa sans plus à un petit joyau de rock sensible. On a ici la preuve que QUEEN, c’était une alchimie de quatre talents.

Sans passer en revue tout l’album, soulignons-en les moments forts : "Let Me Live", d’influence gospel, où Freddie, Roger et Brian se succèdent au chant (pour la première fois) dans un crescendo poignant ; "Mother Love", complainte sombre, que Freddie chante d’une de ses voix les plus graves ; "Heaven For Everyone", ballade idéaliste originellement tirée d’un album du groupe de Roger Taylor, The Cross ; le slow romantique "A Winter’s Tale" ; et surtout la version chantée par Freddie de "Too Much Love Will Kill You" (tirée du premier album solo de Brian May), ballade désenchantée qui trouve toute son ampleur grâce à sa performance remarquable, vibrato déployé, grain de voix plaintif mais pas geignard, puissant mais sensible : magistral. Un peu en décalage avec l’ensemble, on note l’électro-pop "You Don’t Fool Me" où Freddie témoigne d’une ressemblance assez étrange avec George MICHAEL. Un peu moins inspiré.

Ainsi, Made In Heaven joue moins la carte du rock à poils durs que celle d’un lyrisme pop-rock, cousu à la guitare et saupoudré de quelques claviers en sucre glace, qui fait vibrer la veine aortique et augmente le chiffre d’affaire. L’ensemble rend un hommage mérité à Freddie. Plutôt efficace à son début, l’album demeure agréable dans son ensemble et constitue en fin de compte une honorable conclusion posthume à la carrière du groupe. S'ils avaient pu s’arrêter là...

C’était The Soulforged en direct d’Eden-City, à vous les studios.