Mon gros point de désaccord avec Keith Richards, pourtant amateur d'une diversité favorisée par lui-même dans le fait accompli : cet album est tout sauf un effort médiocre, sans queue ni tête. Totalement inédit dans une discographie dont on pense souvent tout savoir (sans avoir franchement écouté, naturellement), n'ayant provoqué aucun départ subit de membre mécontent (en dehors de leur producteur-découvreur Andrew 'Loog' Oldham), Their Satanic Majesties Request est un voyage incroyable et toujours une curiosité des décennies après. Un des meilleurs albums de l'ère psychédélique, loin devant les efforts des BEATLES et bien d'autres à mon sens.

Les efforts rythmiques par Charlie Watts et Bill Wyman ainsi que les prestations de Brian Jones aux cuivres sur les premiers morceaux sont incroyables. Le Mellotron omniprésent ("2000 Light Years From Home"), le ronflement au début de "2000 Man" qui passe d'une ballade folk à un refrain pop 60's énervé typique, le clavecin et la voix extraterrestre de Bill sur son propre "In Another Land" (qu'il a écrit tout seul), l'étrange cavalcade improvisée de "Sing This All Together" avec la citation de l'air traditionnel "We Wish You a Merry Christmas" à l'orgue en conclusion.

Alors que "Gomper" se rapproche de l'Inde avec ses percussions et son maelström instrumental (et ses lignes de guitare félines !), une fois n'est pas coutume, "The Lantern" montre combien l'écriture Jagger/Richards s'est enrichie, tout le groupe (pas seulement Brian Jones) mettant la main à l'oeuvre du point de vue de la palette sonore, ne serait-ce qu'en s'adaptant à toutes les situations, passages cosmiques, fanfare. De quoi dérouter, au final, pas mal de monde ! Ce 'rock sous acide' n'est même pas lui-même autant classique qu'on pourrait le penser.

Et puis, il y a "She's a Rainbow" avec les arrangements de John Paul Jones (futur LED ZEPPELIN), un des plus beaux tubes pop de tous les temps, tellement bien détourné des BEATLES que c'en est désarmant. En marge des autres coups de maître des STONES en la matière, tellement représentatif de leur album le plus british. Peut-être ce disque est-il la vengeance ultime de Brian Jones sur un Keith Richards qui venait de lui piquer Anita Pallenberg et pour de bon, mais n'en déplaise à 'Keef', il demeure un coup de maître !