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The ROLLING STONES - Let It Bleed (1969)
Par SASKATCHEWAN le 28 Mars 2011          Consultée 17072 fois

Let it Bleed ou le flou des guitares. Brian Jones qui perd les pédales et Mick Taylor qui n’a pas encore tout à fait réussi à grimper sur son vélo, ça laisse les coudées franches à Keith Richards. L’omniprésence du guitariste qui défiait les cocotiers a de quoi laisser songeur. En 1969, tout est déjà en place pour que le groupe se disloque en un duel d’égo Jagger vs. Richards, auquel les chefs-d’œuvre des années quatre-vingt doivent beaucoup.

En attendant, la dynamique de groupe continue de fonctionner, on ne sait pas trop comment. Peut-être, après tout, que la poudre de perlinpinpin adoucit les mœurs. Beggar’s Banquet était blues, sauvage et sexuel ; Let it Bleed, lui, sera rock, grandiloquent et sombre. "Gimme Shelter", qui ouvre l’album, est un manifeste : motif prenant et triste en ouverture, chœurs vaporeux, guitare flamboyante mais solitaire. Le groupe est amoureux de son reflet dans le miroir, du moins en apparence.
Pour la première fois sur un album des STONES, les femmes ont la part belle, non en tant que sujet de chanson, mais en tant qu’artistes. Les chœurs féminins s’illustrent sur "Gimme Shelter" et "You Can’t Always Get What You Want", soit au début et à la fin du disque, comme pour enfermer Let it Bleed dans son aura mystique. Comme quoi, le gospel de "Salt of the Earth" sur Beggars’ Banquet n’était pas qu’une lubie passagère.

Il y a, d’un côté, les blues intransigeants et, de l’autre, les rock nerveux inoubliables. Au rayon produit du terroir, on trouve une reprise de Robert JONHSON (tiens ! après les chants de Dieu, la guitare du diable ?), "Love in Vain", une version hangar à tracteur de "Honky Tonk Woman", et "You got the Silver" où Keith Richards pousse la chansonnette. Ces trois blues touchent selon l’humeur, parfois éclairent, parfois assombrissent, selon ce qu’on a retenu des hurlements de Jagger sur "Monkey Man" (folie salutaire ou désespoir consommé ?).

Pour ce qui est du rock & roll, Let It Bleed délivre une leçon magistrale qui fera date. "Midnight Rambler" a beau faire taper du pied, un brin de paille entre les dents, ce n’est déjà plus tout à fait le sud profond qui s’exprime. Les intonations de Jagger ont le charme racoleur de la pop et la guitare de Richards veut faire danser les timides. "Midnight Rambler", c’est le petit saut d’élan de l’athlète olympique sur son plongeoir avant d’exécuter deux saltos, une vrille et une bombe magistrale dans une piscine de trois mille mètres-cube.
Les deux saltos et la vrille : "Monkey Man". On trompe son monde avec un petit motif au clavier, puis on casse tout. Plus de couplets, plus de refrain ; Jagger gueule, glapit, grogne pour faire peur au père de famille de cette fin des années soixante (planquez vos jeunes filles). Un hymne stonien trop rarement repris, et pourtant, rien de plus simple que de hurler I’m a mooooooooooonkey ! quand les collègues de bureau vous paraissent trop tristes.
La bombe : "You Can’t Always Get What You Want". Après Jagger-la bête, voici Jagger-le prophète. Chorale, envolées mélodieuses, guitare presque sage, tout serait beau avec plein de poneys qui gambadent si les paroles n’étaient pas si désenchantées.

Let It Bleed, comme Beggars’ Banquet, est l’expression complète du talent des STONES. Les travers du groupe deviennent des points forts et le conflit larvé accouche d’une œuvre solide et originale, c’est là tout le mystère de la créativité de ces quatre fous furieux. Comme si le vaste monde avait voulu répondre à l’obscurité née en studio, la mort de Brian Jones et la tragédie d’Altamont viendront balayer les débris d’idéalisme qui s’accrochaient encore à la musique des ROLLING STONES.

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   SASKATCHEWAN

 
   MARCO STIVELL

 
   (2 chroniques)



- Keith Richards (guitares, basse, chant)
- Mick Jagger (chant, harmonica)
- Brian Jones ( autoharp, percussions)
- Bill Wyman (bass, autoharp, vibraphone)
- Charlie Watts (batterie)
- Mick Taylor (guitare, slide)
- Invités:
- Nicky Hopkins (piano, orgue)
- Ry Cooder (mandoline)
- Leon Russell (piano)
- Ian Stewart (piano)
- Al Kooper (piano, orgue, cor anglais)
- Byron Berline (violon)
- Mary Clayton (chant)
- Jimmy Miller (percussions, tambourin)
- Bobby Keys (saxophone tenor)
- London Bach Choir (chœurs)


1. Gimme Shelter
2. Love In Vain
3. Country Honk
4. Live With Me
5. Let It Bleed
6. Midnight Rambler
7. You Got The Silver
8. Monkey Man
9. You Can’t Always Get What You Want



             



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