Si le départ de Damo Suzuki est un épiphénomène en soi, il sert aussi de marqueur temporel remarquable : en se restreignant à un quatuor, CAN termine son âge d'or, et se déplace dans un autre, plus sombre, et où les albums, qui continuent de s’enchaîner, ne deviennent pas (encore) immondes, ne font plus qu'approcher la quasi-perfection atteinte avec les albums sortis entre 1969 et 1973.

CAN n'est pas un groupe qui a déjà épuisé toutes ses réserves, cependant. Soon Over Babaluma en est une preuve plus ou moins solide. Le groupe joue ici la carte de l'éclectisme, et va même jusqu'au mélange, au métissage des genres ("Chain Reaction"). À défaut d'être excellent, le résultat est au mieux très satisfaisant. "Dizzy Dizzy" et son violon se charge ainsi d'occuper la place de meilleur morceau, et "Chain Reaction" est une transe lumineuse, proche du funk par ailleurs (n'est-ce pas monsieur Byrne ?). Ces beaux éclats ne doivent pas masquer cependant les échecs qui se cachent sur l'album, le premier étant "Splash" : les premiers instants sont remarquablement bons, mais le morceau tourne trop vite en rond, et lasse très vite. "Come sta, la Luna" manque de consistance, mais possède surtout un chant effroyable, et si "Quantum Physics" développe des idées intéressantes, la pauvre production les étouffe.

Soon Over Babaluma n'a pas grand-chose d'un grand album, et de même d'une horreur auditive. CAN expérimente toujours, mais commence sinon à s'essouffler, au moins montrer ses limites. Il parviendra cependant à rebondir à l'album suivant, l'intéressant Landed.