Il y a deux périodes majeures dans la discographie de CAN en termes d'édition. La première s'étend de 1968 à 1981 et concerne bien sûr l'époque où le groupe existait encore. Le rythme de CAN faisait d'ailleurs plaisir à voir, avec 1 album par an au moins. La seconde période qui couvre les années 90 voit CAN livrer son dernier opus studio (Rite Time, 1989) avant de ressortir ses albums dans des coffrets édités par Mute et enchaîner les sorties d'archives. La dernière décennie du IIème millénaire a été fructueuse pour les fans, particulièrement les complétistes (The Peel Sessions, Music Live...). Durant cette période, les compilations plus lambda sont bien évidemment de la partie, comme en témoigne Cannibalism 2.

Comme son nom l'indique, Cannibalism 2 est la suite de la compilation de 1978. Sortie en 1992, elle se concentre cette fois sur la période de 1975 à 1981, en prenant le soin de jeter aux oubliettes Out of Reach (1978). Pour être franc, à moins d'être un collectionneur hardcore et aimant se faire mal, Cannibalism 2 est à éviter. Est-ce à cause de la sélection effectuée ici ? Pas tellement, étant donné que bien des morceaux initiatiques ont été choisis. Ont été ainsi retenus l'entraînant "I Want More", le sensuel "Half Past One", le dansant "Connection"... que du tout bon pour faire comprendre que CAN c'est le bien, et qu'il fait bon découvrir ce groupe. Quelques extraits plus expérimentaux ont été également retenus, comme "Doko E" ainsi qu'un extrait de "Smoke".

Cannibalism 2 souffre de quelques défauts de forme. Le premier est l'édition de certains morceaux. Quelques coupures çà et là donnent certes plus d'intérêt, comme avec "Red Hot Indians" et "Half Past One", mais en ce qui concerne "I Want More And...", j'appelle cela un attentat. Coller "I Want More" et son coda n'était pas une mauvaise idée, mais comment Spoon Records a-t-il pu accepter un charcutage aussi laid ? En guise de transition entre les deux morceaux, un fade in-/fade-out mal torché, et voilà comment ruiner une bonne initiative. Réduire "Animal Waves" de moitié est également une idée à la con tant ce morceau se doit d'être savouré en entier. Et puis, quitte à faire une compile, pourquoi ne pas avoir mis "The Thief" ou bien "Don't Say No" qui sont de véritables tubes en puissance ?

Cannibalism 2 possède trois attrape-nigauds pour fans en mal d'inédits. Tout d'abord, deux morceaux anecdotiques au possible ("Shikaku Maru Ten" et "Melting Away"), et puis "Turtles Have Short Legs". Ce single inédit paru en 1971 ne serait pas rattaché à CAN d'office si ce n'était la voix de Damo Suzuki et surtout la batterie de Jaki Liebezeit, reconnaissable entre mille. Sinon, il s'agit d'une chouette chanson, qu'il est amusant de découvrir, mais il n'y a pas là de quoi se relever la nuit.

Cas typique de la compilation inutile et un peu malhonnête, Cannibalism 2 est constitué de morceaux qui ne sont pas mauvais en soi, mais très mal montés pour certains ou n'apportant pas de réponse à la question Comment commencer CAN ? comme le faisait plus ou moins la compile de 1978 (et encore). Pour le fan, l'arrivée des inédits sera toujours un prétexte pour acheter la compile, mais il arrive que lesdits inédits soient franchement passables au point d'être ignorés. C'est le cas ici, et c'est bien triste.