Jusqu'en 1995, on peut dire que la discographie de CAN est bien fournie. La majorité des albums studio sont de grandes pièces du rock ayant joué un rôle majeur dans l'histoire de la musique, et les compilations Unlimited Edition et Delay 1968 ont montré que le groupe de Cologne en avait encore sous la pédale. Sauf qu'il manquait un type d'enregistrement à publier, et non des moindres : un album live. Il faut dire que CAN, en plus de sa discographie, était réputé pour ses concerts, véritables transes puissantes et dérangées, notamment avec Damo Suzuki sur scène. Ne pas avoir de témoignages de cette époque générait une frustration chez les fans qui auront cependant de quoi se réjouir dans les années 90.

1995 voit sortir un mets de choix en The Peel Sessions. CAN, John Peel, tout semble déjà dit. Entre 1973 et 1975, le légendaire D.J a accueilli le groupe au moins quatre fois, et ce dernier ne se fait pas prier pour livrer une fois de plus son talent. Un vrai cadeau, donc, et de qualité qui plus est. Enregistrés aux studios Maida Vale, les titres sont de plus inédits, du moins à l'époque de leur enregistrement. En effet, "Geheim" n'est autre qu'une version primitive de "Half Past One", présent sur Landed, tandis que "Mighty Girl" sera charcutée plus tard sur Out of Reach ("November"). The Peel Sessions, c'est donc un sacré trésor.

Sur les 6 pistes de l'album, seule la première, "Up the Bakerloo Line with Anne", présente CAN avec Damo Suzuki au chant, les autres étant réalisées à quatre. Ce morceau, d'ailleurs une sacrée pièce de krautrock comme on les aime, s'inscrit dans la tradition des longs jams trippants de CAN, du haut de ses 20 minutes, avec un mordant plus rock cependant. Il n'est certes pas aussi réussi que les référentiels "Yoo Doo Right" ou "Halleluhwah", mais il n'en reste pas moins bon.
Cependant, The Peel Sessions ne se résume pas à ce titre. Mieux, il ne fait pas partie du meilleur de l'album. "Geheim", l'autre morceau avec chant, se présente comme une version plus épurée et directe de "Half Past One", ce qui est pour ainsi dire une bonne chose. Le côté world music n'est pas aussi affirmé que sur (i]Landed, mais le jeu des vibraphones et celui sur l'ambiance le rendent plus attrayant.

Les instrumentaux ne sont pas en reste. Tout juste peut-on noter un "Tape Kebab" avec des synthés quelque peu kitsch, ou bien "Mighty Girl" dont la durée gagnerait à être réduite. Du reste, c'est du tout bon : "Return to BB City" possède une belle ambiance et des sonorités ambient que ne renierait pas un "Quantum Physics", et "Tony Wanna Go" est une impro' enfiévrée où les instruments rugissent tous de plus belle dans un délicieux magma chaotique en fusion. Il peut cependant déplaire par son léger manque de caractère catchy. Mais CAN, en 1974, n'est pas (encore) un groupe prêt aux concessions.

The Peel Sessions est un excellent complément à la discographie de CAN. La qualité des morceaux, servis qui plus est par une production au top (évidemment), fait honneur au répertoire du groupe, et l'album peut s'imposer comme un indispensable aux yeux de certains.

À découvrir !