Le Péril Jaune est le parfait exemple du toujours délicat passage au deuxième album. A l'époque, INDOCHINE est attendu au tournant, c'est le moins qu'on puisse dire. Après le succès estival de « L'Aventurier », le quatuor sous la pression très polie et très ferme de sa maison de disque, se doit de confirmer son statut de jeune groupe prometteur en très peu de temps. Le rendez-vous public et scénique à travers la tournée Les Dix Jours de Pékin et la date du Bataclan ont été plus qu'enthousiastes. Mais est-ce suffisant pour transformer durablement l'essai et ne pas être qu'un simple feu de paille synthétique (suspense) ?

INDOCHINE doit donc travailler dans l'urgence. Pas la punk, pas celle de la Muse qui vous taquine, mais plutôt la financière et comptable. C'est bien cette même maison de disque qui pousse le groupe à enregistrer rapidement pour que cette galette asiatique sorte avant Noël. Parce que sous le sapin avec les jouets, un disque d'INDO, c'est beau. Il en résulte malheureusement une fâcheuse sensation d'inachevé. Pourtant, sur le papier, le programme est bien alléchant. INDOCHINE nous fait de nouveau le coup d'un imaginaire de bande-dessiné percutant où l'érotisme extrême-oriental bon enfant se fait cette fois la part belle.

De la pochette aux titres des morceaux, tout sent bon l'Asie fantasmée que certains diront de pacotille. L'ensemble dégage à l'instar du récent L'Aventurier (l'album) fraîcheur et spontanéité adolescentes. Encore une fois, ce sont les mélodies de Dominik Nicolas qui font mouche. Le Péril Jaune contient sans conteste deux des plus grands titres de l'histoire du groupe. Le classique et combatif « Kao Bang » qui, grâce à ses superbes intro et outro, démontre tout le savoir-faire évident du compositeur. C'est pop, direct et addictif. Idem avec le plus méconnu « A l'Est de Java », un véritable concentré d'émotions que vient souligner la guitare triste de son auteur. INDOCHINE ose même l'érotisme feutré propre à émoustiller les plus jeunes avec le très beau « Okinawa » et son fameux « la main dans les draps ».

Sirkis voit grand et s'essaye même à la composition avec les instrumentaux « Ouverture » et « Fermeture » qui rappellent furieusement le « Crystal Japan » de BOWIE dont il est grand fan, même si dans les interviews il parle de « Peanuts » pour « Pin Ups ». C'est un fait indochinois. Sirkis et Nicolas se sont trouvés et cette entente pourtant plus que tendue durera une décennie. Le leader à travers des mots simples qui suscitent le désir d'évasion (le pourtant fade « La Sécheresse du Mékong ») ou l'esprit d'aventure (le plus réussi et cartoonesque « Razzia ») répond parfaitement aux notes de son discret binôme. Mais parfois, ça rate totalement. Le fadasse « Shangaï » ne présente aucun intérêt, un peu comme « Miss Paramount », le hit pourtant du Péril Jaune qui n'est ni plus ni moins qu'un ersatz évident de « L'Aventurier » en mode ciné n'importe nawak et non plus B.D.

Avec un peu plus de temps, le Péril Jaune aurait sans conteste fait un album d'excellente facture. Les Indochinois se sont enfermés dans un style appréciable mais ils risquent rapidement de tourner en rond. Le danger est bien là. Le troisième album aura la lourde tache d'infirmer ou confirmer cette situation (suspense bis).