Est-ce que les gars de CHEAP TRICK pourraient me laisser souffler deux minutes, que je puisse boucler d'autres discographies en cours ? Quelques mois seulement après leur dernière livraison en date (qui suivait de très près la précédente), les voilà qui rappliquent avec un album de Noël dans la hotte, signe supplémentaire s'il en fallait que le groupe est bel et bien une institution américaine. Aïe, aïe, aïe, l'album de Noël ! Le truc casse-gueule qui sent bien le sapin. Un prétexte bidon pour boucler leur contrat de trois albums signé avec le label Big Machine ? Peut-être, mais si c'est le cas, ils n'ont pas expédié cet exercice de style ringard à la va-vite parce que le résultat est étonnamment plaisant.

En vérité, le groupe avait déjà fait dans la ritournelle à guirlandes et boules en 1996 en sortant un single à but caritatif ("Gift") avec en face B "Come On Christmas" soit une relecture du "Come On, Come On" d'In Color et en face A "Christmas Christmas" remaniée ici pour l'occasion sur les deux dernières plages en version d'abord chorale et orgue, puis punky. Ce sont les seules compos écrites par le combo de Rockford avec la première plage "Merry Christmas Darlings" qu'on croirait signée de Roy Wood. Et quand on parle du loup, le groupe reprend dans la foulée le "I Wish it Could Be Christmas Everyday" de WIZZARD comme pour expliquer la filiation. C'est entraînant et joyeux, même si les arrangements de rigueur à base de clochettes et de grelots sont très clichés. On remarque que les musiciens ont la pêche et le soufflé va vraiment lever crescendo avec les morceaux suivants tapant dans une belle variété de styles.

Vous voulez du punk ? "I Wish It Was Christmas Today" est une pochade bien amusante que signe Jimmy Fallon pour Saturday Night Live, reprise ici avec une belle énergie à la sauce BILLY IDOL. Et ça fonctionne. Punk encore avec "Merry Christmas (I Don't Want to Fight Tonight)" des RAMONES, autrement plus nerveuse que la version originale sous sédatifs (et chantée ici à la façon de Johnny Rotten).
Du blues ? Il y a ça en stock avec "Please Come Home for Christmas" de Charles BROWN et, si ce n'est pas un chef-d'œuvre, c'est en tout cas une des rares (la seule?) échappées du groupe en terrain blues.
Ballade sentimentale ? On a droit au "Remember Christmas" de Harry NILSSON pourtant vocalement très casse-gueule, mais rien ne fait peur à Zander qui impressionne tout au long de l'album.
Du Rock'n'Roll ? Et comment qu'il y a en a en rayon avec une version réellement enthousiasmante du "Run Rudolph Run" de Chuck BERRY pourtant reprise ad nauseam.
Un chant de Noël ? Manquerait plus qu'il n'y en ait pas avec le super traditionnel "Silent Night" aux accords lourds presque sabbathiens contrastant avec la voix d'ange et distillant comme une menace dans cette nuit pleine de promesses.
Du glam ? Vous reprendrez bien le méga succès de SLADE "Merry Xmas Everybody" ? Et sachez que le "Father Christmas" des KINKS aux paroles poilantes (Père-Noël, file-nous du fric plutôt que des jouets pourris ou on te pète la gueule) est aussi très bien exécuté à la sauce WHO.

Bref, je suis le premier surpris, mais ce disque est tout simplement bon. Les gars de CHEAP TRICK s'amusent comme de sales gosses et sortent un disque de Noël percutant où tout le monde trouvera son compte. Et même si entendre le mot 'Christmas' décliné à toutes les sauces au gré de douze compos peut à la longue taper sur le système, c'est une punition somme toute moins sévère que la ré-écoute d'un album du creux de la vague dans la discographie du groupe, Busted par exemple (The Doctor est hors compétition).