L’amour de Pat MARTINO pour Wes MONTGOMERY n’est plus à prouver. Il est son maître à penser, celui qu’il s’est choisi comme modèle pour les deux fois où il a appris à jouer de la guitare. Il lui avait déjà rendu hommage pendant la première partie de sa carrière à l'époque de The Visit. Il était normal qu’il le fasse une seconde fois. Et avec une pochette pareille, comment ne pas vouloir écouter ce disque ? Encore une fois, les magiciens de chez Blue Note ont fait un excellent travail à l'occasion du cinquième album du guitariste chez eux.

C’est amusant de constater que l’élève et le maître ont développé un style de jeu bien différent. Pourtant basé sur des racines blues, celui de MONTGOMERY est lent quand celui de MARTINO est plus rapide, puisant aussi son inspiration dans la soul. Mais hors de question pour lui de mimer son mentor et d’offrir une copie conforme à l’originale ! Accompagné par Dave KIKOSKI au piano, John PATITUCCI à la basse et Scott ALLAN ROBINSON à la batterie il va y apposer sa patte.
Il n’y a aucune raison de garder le suspense : c’est évidemment une réussite. Comment en douter en même temps ? Il a défraîchi quelques morceaux moins connus, et même les standards que sont "Four on Six" et "West Coast Blues" y sonnent plus neuf, comme après un bon nettoyage. Il privilégie les premiers albums du guitariste en évitant soigneusement ceux de sa fin de carrière, généralement perçue comme inférieure. S’ils restent en retrait, les autres musiciens apportent leurs pierres à l’édifice, Patituci en particulier qui brille lors de quelques passages comme "If I Should Lose You" et "Heartstrings". Ça swingue doucement et l’on se rend à peine compte qu’il nous berce, mais l’effet est là et c’est tout ce qui compte. Le gros problème de l’album vient de sa production : comme les autres albums de MARTINO chez Blue Note, le son est traité sur un pied d’égalité. Aucun instrument, même pas la guitare, ne sonne plus que l’autre. Ce n’est pas handicapant, on apprécie toujours autant la musique, mais ça aurait pu être plus vivant, ça aurait pu aller chercher plus loin.

Tant pis ! En attendant, nous n’avons pas plus de raisons de nous plaindre. Remember est l’un des meilleurs albums de MARTINO depuis… The Return en 1987. Comme toujours, sa subtilité se trouve dans les détails. A l’image des plus grands peintres, il cache des pépites d’inventivité et d’intelligence sous une apparence de tranquillité, et explorer ses paysages sonores est plus que jamais un plaisir.