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Nicolas PEYRAC - Jumbo (1976)
Par MARCO STIVELL le 25 Novembre 2021          Consultée 1273 fois

Le deuxième album de Nicolas PEYRAC surfe sur la vague de succès déclenchée par "So Far Away From L.A.". Le nouveau single-tube de sa carrière, "Et mon père", qui ne se fait pas attendre, se voit publié en avant-première dès la fin de 1975. Jumbo suit de près au début de l'année suivante.

Son titre reprend le surnom (Jumbo Jet) donné au Boeing 747, modèle d'avion qui, dès 1969, a signé la démocratisation du voyage aérien, système réservé aux personnes riches jusqu'alors. Il est synonyme de voyage, le plus lointain possible, et c'est ce que Nicolas PEYRAC décrit dans la chanson éponyme, celle qui ouvre l'album. Quelques critiques bien senties de Paris, de sa jungle urbaine et de ses usagers automobiles, mais aussi plus largement du fait de trimer au boulot chaque jour, notamment dans le milieu des affaires. L'idée est de tout lâcher, de prendre un passeport, de passer la douane et de s'enfuir vers d'autres horizons, le tout sur un ensemble folk-world (avec percussions), mais aussi des synthés baveux. Comme "Et mon père", le chanteur fredonne à la fin.

Un peu plus loin, sur "Les cocotiers bleus", c'est un peu l'inverse : à Paris, là où les hommes d'affaires et puissants jouent au poker, Bagheera et d'autres personnages du Livre de la Jungle s'invitent et créent la pagaille. Tandis que les choeurs imitent singes et oiseaux des forêts tropicales, Roland Romanelli (qui jouait peut-être déjà sur le premier disque aux crédits inconnus) force une fois encore un peu trop sur l'Eminent en vogue et ses sonorités huileuses (idem plus loin sur la 'branché' "Ce serait marrant").

Sur le versant tribal, organique et traditionnel, "Mississippi River" nous surprend avec ses images américaines d'une autre époque, le XIXème siècle et l'esclavage, l'espoir pour une partie du peuple de vivre en paix. De même, par son banjo et ses cuivres en pagaille, solo de clarinette compris, pour une musique festive, avec tout de même une accalmie aux cordes en pleine partie instrumentale. À défaut d'être réussi, cela s'écoute et nous fait voir le chanteur s'essayer à différents aspects, malgré le ton résolument 'variété'. Outre-Atlantique toujours, "Mourir à Harlem", chronique d'une autre époque mais avec la même volonté de s'en sortir, joue la carte blues nocturne vaporeux, un rien plus convaincante grâce à ses parties d'orgue et de piano électrique, en dépit de ses choeurs trop massifs.

Le gros souci de ce deuxième disque, en dehors de chansons peu marquantes, c'est que l'épithète 'riche' attribuée au premier album est devenu ici 'trop', bien que les arrangements soient toujours de Jean Musy avec peut-être les mêmes musiciens. Pour les choeurs par exemple, on aime mieux les entendre façon gospel sur la ballade "Comme au matin", dédiée à l'amour et aux couleurs d'hymne, même si Nicolas PEYRAC reprend l'idée de "J'avais un fils", où les visions du passé sont transposées au futur ensuite. La séparation et la déprime, au contraire, planent sur "Il y avait – les arbres déracinés", avec une mélodie fine, jolie, ainsi que des fredonnements de nouveau.

On retrouve des éléments de "So Far Away From L.A." dans "Il neige sur Madrid", les arpèges rêveurs et les cordes, la batterie qui rentre plus tard. Le chanteur hippie se fait plutôt chroniqueur en évoquant mai 68, Lisbonne libérée (derniers moments du régime autoritaire de Salazar), un Paris où "on ne se bat presque plus". Forte nostalgie donc de contestataire assagi, à laquelle se prête fort bien l'accordéon de l'excellent Roland Romanelli. On rencontre également des noms connus comme Pierre Fresnay (acteur notamment de la Trilogie Marseillaise de Pagnol) décédé au début de 1975, Bob DYLAN toujours bien vivant.

Cela reste le style pour l'heure où PEYRAC est le plus à l'aise, même si on aime également la légèreté presque antinomique de "Satanée question" que le chanteur dédie à sa compagne Valentine, sur les petits désaccords quotidiens des amoureux. Avec coquetterie, au milieu d'arrangements lorgnant vers le funk à orchestre tendance Michel BERGER, il se fend d'une prestation expressive, séductrice. C'est néanmoins et réellement par une journée où il a 40 de fièvre qu'on l'oblige en haut lieu chez Pathé-Marconi à enregistrer "Et mon père", accompagné par un orchestre au grand complet, même si la guitare acoustique en accords mène la danse.

Le texte, d'abord plein de rimes en -a, multiplie les images clins d'oeil à la jeunesse de monsieur Tazartez père (qui croquait du café dans sa chambre d'étudiant en médecine pour tenir le coup lors des examens), les références en pagaille à la guerre, aux grands hommes et artistes soit établis (ARAGON, SARTRE) soit débutants (BRASSENS, BECAUD, BREL). N'oublions pas les quelques touches romantiques du chroniqueur : "Vous vous disiez 'je t'aime', parfois même, vous faisiez l'amour/aujourd'hui, deux salades, trois tirades, c'est l'affaire qui court !" La mélodie, quoique plutôt évidente sur le refrain jusqu'à l'entêtement, demeure tarabiscotée et un bel exemple d'écriture, sans aucun doute le meilleur et seul à retenir franchement de ce deuxième album, si l'on considère en plus les paroles et l'habit musical.

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   MARCO STIVELL

 
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- Nicolas Peyrac (chant, guitare)
- Jean Musy (piano, arrangements, direction d'orchestre)
- Roland Romanelli (claviers, accordéon)
- Claude Pavy (guitare)


1. Jumbo
2. Il Neige Sur Madrid
3. Les Cocotiers Bleus
4. Comme Au Matin
5. Satanée Question
6. Il Y Avait – Les Arbres Déracinés
7. Mississippi River
8. Ce Serait Marrant
9. Mourir à Harlem
10. Et Mon Père



             



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