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POPOL VUH - Hosianna Mantra (1973)
Par AIGLE BLANC le 11 Octobre 2014          Consultée 5088 fois

Bien qu'Hosianna Mantra soit le troisième effort studio de POPOL VUH, on peut le considérer à juste titre comme le vrai point de départ de sa carrière musicale. En fait, les deux opus précédents avaient lancé POPOL VUH sur une fausse piste. Florian Fricke (leader du groupe) s'est fait connaître comme l'un des pionniers de la musique électronique à une époque où la culture populaire ne l'avait pas encore adoptée. Détenteur d'un exemplaire du célèbre Moog synthétiseur, il avait commencé à défricher le potentiel de cette étrange machine. Or, la tête pensante de P.V. n'avait jamais caressé l'ambition d'utiliser l'électronique pour atteindre l'extase mystique qu'il recherchait à travers sa musique. Si les deux albums précédents visaient bien la spiritualité, en revanche ils avaient endossé un vêtement qui ne correspondait pas à l'identité de Florian Fricke et qui peut-être empêchait la musique de répandre sa grâce éthérée.

Alors, le groupe fait peau neuve et range au vestiaire l'attirail électronique que son leader considère comme un gadget dont il a fait le tour et n'attend plus grand-chose. Le nouvel opus sera acoustique ou ne sera pas. De nouveaux musiciens intègrent la formation, chacun d'eux apportant une contribution essentielle à son identité sonore. C'est ainsi que débarquent la chanteuse coréenne Djong Yun à la belle voix de soprano, Robert Eliscu seul hautboïste de l'époque à avoir intégré l'orchestre philharmonique de Munich, Fritz Sonnleitner au violon et, pièce la plus précieuse d'Hosianna Mantra, Conny Veit aux guitares électrique et 12 cordes. De son côté, Florian Fricke abandonne le piano électrique Fender au profit d'un piano classique et d'un clavecin. C'est lui aussi qui officie au tambour.

La modestie des effectifs offre au nouvel album les couleurs apaisantes d'une musique de chambre que renforce le piano de Fricke, ossature de tous les titres. Le hautbois, quant à lui, apporte une tonalité champêtre aux accents romantiques. La guitare électrique coud dans le tissu sonore des trésors de dentelles. Et le chant de Djong Yun est la réponse d'un ange à la spiritualité que dégage chaque musicien. Quant au violon, pourtant mentionné dans le livret, je suis désolé pour le musicien qui s'en charge, malgré plusieurs écoutes, mon oreille n'a pas réussi à l'isoler. Je ne peux donc rien dire sur cet instrument que je ne parviens pas à entendre. Vous l'avez compris : ce disque est un chef-d'œuvre non seulement dans la carrière de POPOL VUH mais de la musique, tout genre et style confondus.

Voyons à présent de quoi se compose la présente galette : 9 plages pour une durée globale de 38 minutes. Ah, que je regrette cette époque de l'ère pré compact-disque ! La durée limite propre au vinyle empêchait l'ennui de pointer son nez. Cela obligeait les artistes et leurs producteurs a faire un tri draconien pour sélectionner les titres qui auraient l'honneur de figurer dans l'album. A la trappe ceux jugés imparfaits ou approximatifs; dans le meilleur des cas, ils servaient à remplir la face B du 45-tours. Aujourd'hui, croyant profiter de l'espace offert par le CD (près de 80 minutes) et surtout pensant contenter davantage l'auditeur (pour qu'il en ait pour son argent), les groupes ne savent plus extraire l'ivraie de leurs compositions et proposent des disques surchargés qui tiennent rarement la distance. C'est une calamité pour l'amateur de musique.

Quatre titres seulement sont chantés, mais ils occupent environ 27 minutes, soit plus des deux tiers de l'album. Cela démontre l'importance qu'accorde Florian Fricke à la soprano coréenne qui livre ici une performance diaphane. Les deux titres chantés de l'ancienne première face, soit respectivement dans l'ordre chronologique les 2° et 3° plages, constituent l'ossature fondatrice de l'album, 15 minutes 35 essentielles parmi les plus belles que la musique m'ait offertes. Après une introduction pianistique que nous analyserons plus loin, arrive le splendide "Kyrie", où brillent la guitare électrique, le chant, le clavecin et le hautbois. Ce qui fascine le plus ici, c'est la parcimonie avec laquelle chaque instrument s'attend, s'accorde, dialogue, chacun son tour prenant les commandes de tel ou tel instant de ces 5 minutes d'une délicatesse infinie. Entendre comment Djong Yun glisse sa voix après une aparté du hautbois, comment la guitare sinueuse vient souligner les arpèges du piano dans une osmose parfaite constituent autant d'expériences rares et inoubliables. Puis, à 3,40 minutes démarre un moment éblouissant : le piano et la guitare électrique s'élancent en canon dans une séquence d'arpèges. Il ne me vient aucun autre adjectif que "divin" pour traduire la magie de cette minute éternelle. Le meilleur cependant reste à venir : le magnifique et transcendantal "Hosianna Mantra", la pièce éponyme de l'opus. Toutes les qualités évoquées dans le titre précédent se retrouvent ici poussées à un degré de perfection et de beauté inouï. Les 10 minutes de la pièce illuminées par la guitare électrique de Connie Veit dégagent un charme extatique confondant. Mais pourquoi ce jeune guitariste, qui fonda le groupe éphémère GILA à la même époque, est-il aussi peu connu ? La maestria de son jeu n'ayant d'équivalente que sa délicatesse rare confine à la grâce pure. Il surclasse sans hésitation les orfèvres que sont pourtant Gilmour et Mark Knopfler. Mais les autres instruments ne sont pas en reste : le hautbois resplendit par ses interventions appropriées. Inutile d'en rajouter : ces musiciens ont banni la surenchère de leur vocabulaire.

Le titre démarre doucement par des notes de clavecin isolées qui laissent place rapidement à la séquence du piano servant de rythmique à la composition. La guitare ensuite entame une danse improvisée avant que l'appel du hautbois n'invite la soprano à psalmodier "Hosianna". La digression guitaristique se poursuit dans l'allégresse avec une verve qui semble inépuisable. Et la voix se glisse dans cet écrin à nul autre pareil, aérienne et diaphane, traversant la suite du morceau de sa douceur virginale. Quelle grâce ! Il ne s'agit pas de pop, encore moins de Krautrock, enfin de kraut peut-être mais surtout pas de rock. En revanche, il s'agit simplement de musique : cela tombe bien, n'est-ce pas la musique qui nous réunit dans cet espace entièrement dédié au quatrième art ?

Les deux derniers titres chantés, rassemblés dans la deuxième partie de l'album, conservent les mêmes ingrédients. Les harmonies et les arrangements rivalisent de beauté et de mystère, mais avec plus de discrétion peut-être, encore plus de parcimonie. "Segnung" ("Bénédiction") commence par le chant de Djong Yun qui n'est pas sans évoquer quelque naïade des forêts par sa sensualité. La guitare 12 cordes intervient par instant pour en souligner l'ambiance champêtre que parfont les appels lointains du hautbois. Et l'ensemble devient une déambulation poétique qui ne déparerait pas comme musique de scène accompagnant les personnages oniriques du Songe d'une nuit d'été de Shakespeare. Le dernier titre chanté, "Nicht hoch im Himmel" ("Proche du Paradis") en constitue en quelque sorte le pendant, encore plus évanescent.

Parmi les titres instrumentaux, se cachent deux belles pièces : "Ah!" ouvre le bal : c'est une introduction au piano. Florian Fricke joue un dégradé de notes qu'il répète en leitmotiv obsédant, dans un sens crescendo puis décrescendo. C'est original sans constituer pour autant le meilleur moment du disque. Après le superbe titre éponyme commenté plus haut, "abschied" ("Départ") offre la seule plage entièrement dévolue au hautbois. Et c'est un ravissement mélodique qui dégage, grâce au jeu de Robert Eliscu, une tendresse et une mélancolie auxquelles il est difficile de résister. Les deux dernières pièces instrumentales, "Andach1" ("Dévotion 1") et "Andach2" (1 minute 30 à elles deux) déclinent le même morceau sans différence audible. La guitare y joue des arpèges mystérieux tandis qu'un choeur masculin étale sa texture mystique en guise de couche supérieure. Je soupçonne Florian Fricke d'officier à ce chœur bien qu'il n'en soit fait aucune mention dans le livret.

Le groupe munichois propose ici une musique à l'identité forte et originale dont je ne trouve pas d'équivalent ailleurs dans la scène Krautrock.

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   (2 chroniques)



- Florian Fricke (piano, clavecin)
- Connie Veit (guitares électrique et 12 cordes)
- Djong Yun (soprano)
- Robert Eliscu (hautbois)
- Fritz Sonnleitner (violon)
- Klaus Wiese (tambour)


1. Ah!
2. Kyrie
3. Hosianna Mantra
4. Abschied
5. Segnung
6. Andacht
7. Nicht Hoch Im Himmel
8. Andach



             



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