Si l'on excepte la B.O de Cobra Verde, cela fait 6 ans déjà que POPOL VUH n'a pas sorti d'album depuis le médiocre Spirit of Peace, lorsque paraît For You and Me. Dans l'opus de 1985, le trio délivrait une musique censée être éthérée et touchant au Divin, mais qui sonnait surtout terriblement creuse, avec un minimalisme déconcertant de médiocrité. Mais Spirit of Peace n'est jamais qu'un terrible écueil qu'a su surmonter POPOL VUH avec For You and Me.

For You and Me est historique à plus d'un titre. Tout d'abord, c'est un disque qui se veut moderne et permet à POPOL VUH de sortir de sa bulle artistique. Les sonorités sont en phase avec leur époque, ce qui amène à parler du line-up. L'apport massif de claviers est dû à un certain Guido Hieronymus, claviériste-guitariste ici musicien additionnel, qui ne tardera pas cependant à prendre la place de Daniel Fichelscher, lequel officie pour la dernière fois comme membre du groupe, tout comme Renate Knaup. Par ses claviers, Hieronymus aide énormément Florian Fricke à tisser des ambiances clairement orientées, une fois n'est pas coutume, vers l'Afrique, avec tout de même une constante orientale toujours présente. Notons également le retour du co-fondateur Frank Fiedler au poste de producteur.

La première chose qui se dégage de For You and Me, c'est sa chaleur humaine. Les chœurs, malheureusement non crédités, et les percussions répandent un humanisme optimiste auquel il paraît bien difficile de résister. En un mot, For You and Me respire la Vie, tout simplement. Musicalement (stricto sensu), l'ensemble est franchement cohérent et d'une solidité à toute épreuve. Le morceau-titre en ouverture joue sur de belles emphases vocales interprétant des mélodies sublimes, tandis que Knaup se lance dans le splendide mantra qu'est "Compassion". Sur un plan totalement instrumental, POPOL VUH s'en sort magistralement avec "Wind of Stars in Their Eyes", sans-doute le titre le plus européen, avec sa harpe finement jouée. For You and Me serait-il donc un nouveau chef-d'œuvre de POPOL VUH ?

Non, trois fois non – et trois fois hélas. Si "Compassion" est très beau, il n'est jamais qu'un recyclage de "Die Umkehr", déjà présent dans des arrangements bien supérieurs sur Brüder des Schattens/Söhne des Lichts. De même, "When Love is Calling You", remix de "Letzte Tage Letzte Nächte". Mais le pire arrive avec "OM Mani Padme Hum". Également tiré du même album, il est décliné en quatre versions jouées à la suite, qui mettent tantôt la guitare, tantôt le chant en exergue. Ce n'est pas forcément raté, mais on ne peut que déplorer un manque de suite dans les idées de Fricke. Il aurait été plus intéressant de broder sur l'excellent "In your Eyes", qui ne dure malheureusement qu'une pauvre petite minute, ou tout simplement de sortir des morceaux de la trempe du morceau-titre. De manière moins grave, "Little Bazaari" n'est pas du tout mauvais, mais ses 8 minutes peuvent sembler excessives.

POPOL VUH commence les années 90 de bonne manière bien que perfectible. Le groupe prouve une nouvelle fois s'il en était besoin qu'il est un grand de la musique mystique et sensible, sans avoir recours à une idéologie douteuse ou d'odieux artifices qui ne manqueront pas malheureusement de venir en force par la suite. Ça va faire mal.