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POPOL VUH - Brüder Des Schattens - Söhne Des Lichts (1978)
Par AIGLE BLANC le 29 Octobre 2015          Consultée 2758 fois

10ème album studio de POPOL VUH, Brüder Des Schattens... jouit d'un statut pour le moins embrouillé : l'année de sa sortie, le cinéaste Werner Herzog en a pioché quelques titres pour soutenir les superbes images de son admirable remake du Nosferatu de Friedrich Wilhelm Murnau. C'est pourquoi la seconde édition allemande parue dans la foulée s'est ingéniée à en modifier le titre, devenu Nosferatu The Vampyre, ainsi que sa pochette, les nuages d'origine laissant la place à l'affiche du film avec Klaus Kinski dans le rôle du vampire éponyme. L'album s'apparentait dès lors à une B.O, ce qu'il n'était en aucun cas au départ, la confusion étant entretenue par l'édition italienne de 1979.

Grand admirateur de POPOL VUH, W. Herzog n'a jamais manqué de rendre hommage à la musique de son ami Florian Fricke, leader et principal compositeur du groupe munichois. Le cinéaste dont les films conservent une très forte empreinte mystique ne pouvait pas passer à côté des ambiances méditatives de cette musique à nulle autre pareille, si éloignée de l'esprit Krautrock auquel la rattachent seulement la période historique et deux premiers albums (chroniqués dans ces colonnes) explorant les possibilités infinies du synthétiseur Moog.

Si l'association Herzog/POPOL VUH a rejoint dans la culture collective de tout cinéphile celles, légendaires, des Leone/MORRICONE, Fellini/ROTA, Lynch/BADALAMENTI, elle souffre cependant d'un malentendu : Florian Fricke a très peu composé pour W. Herzog : le thème d'ouverture du magnifique Aguirre (1972), la musique de Coeur de verre (1976) que le cinéaste pourtant n'utilisa pas dans son film éponyme, quelques plages sonores de Fitzcarraldo (1982) et de Cobra Verde (1988)... et cela doit être à peu près tout. Ce n'est pas tant une collaboration dont il s'agit ici, mais d'une communauté d'esprit qui voit un cinéaste réutiliser des compositions personnelles de POPOL VUH pour accroître la dimension ésotérique de ses images : la musique de Florian Fricke, explique-t-il dans nombre d'entretiens, agit comme un révélateur de l'indicible et suggère une dimension qu'aucune image ne saurait dévoiler.

Succédant à la B.O de Cœur de Verre (1977), Brüder Des Schattens -Söhne Des Lichts conserve peu ou prou la même équipe avec Daniel Fichelscher aux guitares, Ted De Jong au tambour, Aloïs Gromer à la cithare, Robert Eliscu au hautbois et bien sûr Florian Fricke au piano. Si les ambiances méditatives chères à POPOL VUH sont toujours de la partie, en revanche l'esprit rock, qui teintait Cœur de Verre et déposait une forte empreinte sur Letzte Tage – Letzte Nächte (1976), a totalement disparu ici.

Constitué de quatre titres, la version vinyle voit sa face A occupée à elle seule par le morceau éponyme et sa face B par trois autres compositions d'une durée équivalente approchant les 6 minutes. Le groupe nous propose à nouveau un ensemble très cohérent qui s'inscrit sans difficulté parmi ses meilleurs travaux, sans égaler toutefois la grâce inaltérable du chef-d'œuvre Hosianna Mantra (1972).

Le titre éponyme qui ouvre le bal est une pièce maîtresse non seulement de l'album mais de la discographie du groupe et demeure à ce jour probablement le plus connu en terme d'audience et d'identification. En effet, c'est celui que Werner Herzog a choisi pour thème principal de son film Nosferatu. Et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il a eu du flair tant cette musique 'colle' aux images, leur imprimant une aura qui dépasse même celle de leur beauté intrinsèque. Pour ceux qui connaissent bien le film, il s'agit de la musique du générique initial au cours duquel une caméra portée déambule le long d'une série de corps momifiés, au fond d'une crypte, images documentaires saisissantes auxquelles la musique confère une dimension poétique extraordinaire.

La dichotomie du titre, qui pourrait se traduire par "Frères des Ténèbres - Fils de Lumière", justifie le contraste marqué entre deux parties de tonalités opposées. Le point faible de cette composition réside dans la disproportion malheureuse de ses deux parties, la première avoisinant 6 minutes et la seconde atteignant le quart-d'heure. On le voit, le groupe privilégie la Lumière aux Ténèbres, ce qui en soi n'est pas condamnable ni même surprenant dès lors qu'on est familiarisé avec la très forte spiritualité de sa musique.

Cependant, force est de constater que la première partie, donc la plus courte, est incontestablement la plus réussie, sans-doute un sommet de l'œuvre popol-vuhienne. Tout commence par un chœur sépulcral au souffle ample qui n'est pas sans évoquer le célèbre thème d'Aguirre. Toutefois, nul plagiat ici : Florian Fricke se surpasse en montrant une ambition rare. Le chœur, même si planant, semble moins synthétique que son homologue d'auguste mémoire. Là où le thème d'Aguirre demeurait purement électronique, "Brüder Des Schattens" (1ère partie) déploie un souffle symphonique d'envergure mahlérienne ni plus ni moins. Après une introduction uniquement occupée par le chœur, Robert Eliscu introduit le hautbois en venant soutenir la charpente initiale par ses échappées de notes aiguës qui s'équilibrent avec la profondeur abyssale du chœur masculin. Et puis, alors que la musique mise en branle semble figée dans sa répétition, le hautbois lance une envolée lyrique, comme une trouée de lumière dans ce gouffre sinistre. Sa mélodie sinueuse que ponctue le chœur sans parvenir à en altérer la beauté trouve son accomplissement dans un dégradé de notes qui progressent d'une demi-octave. Le résultat est confondant de beauté, d'une ampleur symphonique absolument grandiose bien que demeurant dans les tons mineurs.

C'est alors que surgit le second thème (la partie dédiée aux Fils de Lumière) : la guitare acoustique de Daniel Fichelscher entame une ritournelle séquencielle qui ne s'achèvera qu'un quart-d'heure plus tard, soutenue par les accords envoûtants de la cithare d'Aloïs Gromer et le piano de Florian Fricke. Par-dessus ce tissu sonore à l'empreinte fortement folk, on peut même apprécier un synthétiseur qui se confond harmonieusement avec le hautbois. La transe peut commencer : la musique n'évoluera plus jusqu'au terme de cette partie très belle mais que certains auditeurs goûteront moins que la précédente du fait surtout de la disparition de l'ambiance mystérieuse initiale.

Il est évident que l'ampleur de ce titre jette une ombre sur les trois autres pièces, en comparaison plus anecdotiques. Pourtant, elles ne dépareillent pas en tissant des ambiances enveloppantes particulièrement méditatives où le piano, la guitare acoustique et la cithare se fondent même en un dialogue d'une rare profondeur. Ecoutez "Höre, Der Du Wagst" pour vous en convaincre, pièce musicale secrète à la spiritualité prégnante. Enfin, "Die Umkehr" voit le retour de la guitare électrique dans une veine mystique typique de POPOL VUH tandis que des percussions et une batterie illuminent le titre. Une fin à la transcendante beauté.

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   AIGLE BLANC

 
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- Florian Fricke (piano)
- Daniel Fichelscher (guitares acoustique et électrique, batterie, percu)
- Robert Eliscu (hautbois)
- Aloïs Gromer (cithare)
- Ted De Jong (tambour)


1. Brüder Des Schattens - Söhne Des Lichts
2. Höre, Der Du Wagst
3. Das Schloss Der Irrtums
4. Die Umkehr



             



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