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POPOL VUH - Die Nacht Der Seele (tantric Songs) (1979)
Par AIGLE BLANC le 2 Juin 2016          Consultée 2121 fois

Si l'on met de côté la B.O du film Herz Aus Glaz (Cœur de verre, 1977), Die Nacht Der Seele (Tantric Songs, 1979) est le 10ème album studio de POPOL VUH. Le groupe existe alors depuis 9 ans mais, en dépit de sa relative jeunesse, il a acquis une réputation aussi reconnue que confidentielle. Comme la plupart des groupes catalogués Krautrock, son leader, le compositeur et pianiste Florian Fricke, n'a jamais visé le succès à tout prix, privilégiant une démarche artistique infiniment plus intime, délicate voire fragile. En effet, la musique de POPOL VUH est avant tout affaire d'humeurs ou de mood, comme dirait le cinéaste coréen d'In The Mood For Love. D'ailleurs, ce titre s'accorderait bien à la sensibilité qui traverse toute l'œuvre du groupe munichois qui, en une dizaine d'albums, a laissé libre court à la spiritualité universelle qui l'habite en fusionnant de façon très originale les sensibilités d'Orient et d'Occident.
En à peine 10 ans de carrière, la musique de POPOL VUH a connu ses balbutiements, ses impasses et une radicale révolution qui, dès son 3ème opus, lui a fait abandonner la voie tracée pourtant avec succès par ses deux premiers efforts studio, Affenstunde et In Den Gärten Pharaos, lesquels exploraient les territoires avant-gardistes de la musique électronique (un grand merci au célèbre Moog synthétiseur au passage), pour rejoindre ceux plus traditionnels de la folk semi acoustique. Un tel courage a été récompensé par le chef-d'œuvre, Hosianna Mantra. La suite n'a fait que confirmer ce virage en y intégrant épisodiquement quelques couleurs plus rock comme dans le réussi Letzte Tage-Letzte Nächte (1976). Cependant, l'humeur méditative et spirituelle n'a jamais abandonné le groupe, le passage à l'acoustique l'ayant même rendue plus prégnante encore.

Les musiciens intervenant dans ce nouvel album se partagent entre les anciens, signataires du son du groupe comme Florian Fricke au piano, l'excellent Daniel Fichelscher aux guitares et percussions, sans oublier l'indispensable Alois Gromer au sitar ni la magnifique soprano coréenne Djong Yun dont le chant éthéré rappelle les grandes heures d'Hosianna Mantra, et les nouveaux comme la chanteuse Renate Knaup en rupture temporaire d'Amon DÜÜL II et Suzan Goetting au hautbois en remplacement du pourtant mémorable Robert Eliscu.

Die Nacht Der Seele déploie toutes les caractéristiques si attachantes de POPOL VUH : une humeur profondément spirituelle (que d'aucuns nomment aujourd'hui new-age), des passages plus sombres faisant retentir des chœurs mystérieux et incantatoires, une alternance de guitares acoustique et électrique (mais sans jamais tomber dans le travers des soli exubérants), quelques errances bucoliques admirablement soufflées par le hautbois, des chœurs féminins dans la pure tradition folk planante. Tous ces ingrédients inimitables offrent une entrée en matière idéale pour le néophyte qui souhaiterait découvrir le POPOL VUH acoustique et laisser de côté son versant électronique initial. Il serait alors conquis par un talent singulier, pour peu qu'il soit sensible à la ferveur spirituelle de cette musique nébuleuse.
Le connaisseur en revanche pourra regretter l'absence de risque du groupe qui évolue ici sur des territoires qu'il maîtrise depuis des années. C'est un opus qui ne fait pas progresser l'art de Florian Fricke. Il lui manque pour cela le soupçon d'innovation qui affirmerait le courage créatif de POPOL VUH. Mais peut-on lui reprocher ce qui menace la plupart des artistes quand, après quelques années de piétinements, ils se retrouvent en pleine possession de leur art ? Un groupe de rock n'est-il pas une entité humaine qui subit aussi le vieillissement de ses cellules ?
Die Nachte Der Seele porte donc en lui les prémices du fléchissement qui marquera les albums suivants, ceux des années 80. Serait-il alors le dernier bon album du groupe ? Votre serviteur en est convaincu.

De beaux passages, cet album n'en manque pas, à commencer par l'exaltant "Wo Bist Du, bei Du überwunden Hast "couplé au "Gesegnet Du, Bei Deiner Ankunft" où brillent les voix aériennes de Djong Yun et Renate Knaup joliment soutenues par la guitare folk de Daniel Fischelscher et le piano de Florian Fricke, tous deux emmêlés dans une osmose incantatoire des plus entraînantes. Les phrases courtes qu'entonnent les deux chanteuses à la manière des mantras sont des citations de Morya et de Moïse. Il est dommage que ce passage mi-chanté mi-vocalisé n'ait pas servi de modèle au reste de l'album. En effet, si quelques voix éparses se laissent deviner par la suite, aucune autre piste de l'opus ne propose d'air chanté.
Heureusement, les passages instrumentaux, dominants ici, dégagent la plupart du temps un charme pastoral, parfois mystérieux, indéniable. Comment résister à la rêverie du hautbois dans "Engel der Luft" tandis que des percussions bien senties ponctuent le titre d'une solennité toute d'attente imprégnée, un art de la suspension où excelle POPOL VUH ? Comment traduire en mots la magie que dégage "Mit Händen, Mit Füssen", pièce musicale d'une grande simplicité à laquelle le piano, le sitar et la guitare prêtent leurs voix mélancoliques à l'étonnante sérénité ?
Cette première face de l'ancien vinyle distille une atmosphère magique de paix intérieure. C'est le règne de l'harmonie et de la transcendance troué par de rares éclairs plus caverneux tels les brefs "Mantram der Erdberührung I et II" qui ouvrent et concluent ladite face.

La deuxième face du vinyle évolue dans des paysages globalement plus expérimentaux mais tout aussi extatiques. Les percussions solennelles prennent le pas sur le hautbois et les incantations vocales bouddhistes, sourdes et caverneuses, restent étrangement abstraites sans jamais reproduire les vocalises féminines tant vantées plus haut.
Le piano intervient dans les deux "Mantram der Herzberührung" en jouant sur un dégradé ascendant de 7 notes déjà entendu dans la B.O de Nosferatu. Aussi minimalistes que soient les deux compositions, la magie opère toujours.
"Auf Dem Weg" offre à Daniel Fischelscher l'occasion de démontrer la finesse de son jeu de guitare en superposant deux pistes, l'une à la guitare acoustique, l'autre à la guitare électrique.
La piste finale "In Der Halle Des Lernens" voit le retour à une atmosphère champêtre avec la guitare en mode répétitif et, en arrière-plan, un chœur masculin nonchalant exécuté probablement par Florian Fricke.

L'album est court, à peine 32 minutes. Pourtant, la majorité des pistes présentent un canevas autorisant la répétition à l'infini d'un motif incantatoire. Le néophyte qui ne serait pas très familiarisé avec les mantras pourra donc apprécier des titres ayant la politesse de ne pas s'éterniser tandis que l'amateur d'Ambient aurait préféré des plages plus généreuses laissant se déployer l'envoûtement jusqu'à la transe.

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   AIGLE BLANC

 
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- Florian Fricke (piano, voix)
- Daniel Fischelscher (guitares, percussions)
- Djong Yun (voix)
- Renate Knaup (voix)
- Suzan Goetting (hautbois)
- Alois Gromer (sitar)


1. Mantram Der Erderührung I
2. Engel Der Luft
3. Mit Händen, Mit Füssen
4. 'wo Bist Du, Der Du überwunden Hast ?'
5. 'gesegnet Du, Bei Deiner Ankunft'
6. Mantram Der Erderührung Ii
7. Im Reich Der Schatten
8. Wanderer Durch Die Nacht
9. Mantram Der Herzberührung I
10. Auf Dem Weg
11. Mantram Der Herzberührung Ii
12. In Der Halle Des Lernens



             



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