RENAUD a 23 ans quand sort "Amoureux de Paname", et un vécu déjà riche : mai 68 passé sur les barricades et à la Sorbonne, de nombreux concerts dans les rues de Paris, des années d'errance toujours dans Paris, de petits boulots, notamment de libraire où il profite de l'occasion pour lire énormément, enfin un séjour au 'Café de la gare' où il se destine à devenir comédien et dans lequel il fera une rencontre marquante : celle d'un certain Michel Colucci qui deviendra plus tard Coluche.

Issu d'un milieu plutôt intellectuel par son père écrivain et d'un milieu ouvrier par sa mère, fille de mineur, ce mélange bien ancré à gauche de 2 cultures est déterminant pour comprendre l'univers du chanteur. Ajoutons à cela une enfance heureuse, notamment à Paris, à laquelle RENAUD voue une nostalgie acharnée et l'on retrouve déjà dans ces faits une bonne partie de l'inspiration du chanteur.
Il revendique des influences chez Hugues AUFFRAY, Bob DYLAN, BRASSENS ainsi que Bruant et tout le répertoire d'avant-guerre et une affection particulière pour les musiques populaires comme la java, la musette ou la valse.

On trouve dans ce premier album des chansons réac' ("Hexagone","Société tu m'auras pas", "Camarade bourgeois") , des chansons tendres et nostalgiques ("Petite fille des sombres rues","Ecoutez-moi les gavroches", "Gueule d'aminche") et enfin des chansons à mi-chemin des 2, comme sa déclaration d'amour à Paris ("Amoureux de Paname"). C'est clair, les thèmes récurrents sont le Paris d'avant-guerre et des Gavroche et, d'un autre coté, un regard très soixante-huitard sur la société de l’époque.
Même si je l'ai évoqué rapidement un peu plus haut, la chanson emblématique de ce premier album est bien entendu "Hexagone" où Renaud égrène mois par mois une année entière en France dans un titre rentre-dedans où tout le monde en prend pour son grade.
Pour ceux qui ne connaîtraient pas ce titre incontournable, imaginez sur fond d'harmonica et de guitare sèche des paroles comme par exemple celles du mois de juin : Ils commémorent au mois de juin le débarquement de Normandie, ils pensent au brave soldat Ricain qu'est venu se faire tuer loin de chez lui, ils oublient qu'à l'abri des bombes les français criaient Vive Pétain, qu'ils étaient bien planqués à Londres, qu'y avait pas beaucoup de Jean Moulin.
On comprend que ce titre n'ait pas plu à tout le monde. Pareil pour "Petite fille des sombres rues" dont le texte original était un pamphlet contre le dictateur espagnol Franco et qui, jugé trop 'musclé' par la maison de disque, se vit transformé pour donner le titre que l'on connaît ici.

RENAUD sur ce premier effort révèle bien des limites, à la fois comme chanteur (un exemple flagrant "Rita" lol) et comme guitariste, mais il y révèle aussi un côté sensible et un autre engagé, avec des textes déjà très inspirés et une certaine réussite à écrire des chansons qui marquent.

A la croisée de ce qui sera appelé un peu plus tard 'rock alternatif français' et de la chanson populaire et réaliste, RENAUD signe son entrée dans le petit monde de la chanson française de manière originale et impertinente et se révèle un conteur d'histoire sur sa propre vie ou sur celle des petites gens. Il se dégage une ambiance et un petit parfum de nostalgie de cet "Amoureux de Paname" pas désagréable du tout.