Ca faisait longtemps que RENAUD ne nous avait pas sorti un disque aussi réussi. Non que Boucan d'Enfer n'était pas bon, bien au contraire ; mais on y sentait comme une pointe de déjà-vu, et puis RENAUD, à l'époque, sortait tout juste sa tête du gouffre et n'était pas encore tout à fait remis.
Depuis, le succès aidant, l'amour et la paternité aussi, bien sûr (bien que son fils Malone, qui a droit à une chanson splendide à son nom sur ce disque, n'était pas né au moment de l'enregistrement de Rouge Sang) ont transcendé l'ex-Renard. Il livre ici une fournée incroyable de 17 chansons (24 sur la version collector, et ne m'en veuillez pas trop si c'est cette version que je vais aborder ici).

Donc, je vais parler de la version collector, sortie en double CD de 24 chansons et boîtier-livre présentant les paroles selon une BD. Les 17 chansons du disque, plus 7 bonus tracks, comme la chanson "Dans La jungle", pour Ingrid Betancourt, ainsi que la version espagnole de ce même titre, "En la selva". Poignant.
RENAUD défend aussi d'autres personnes : "Leonard's Song" est pour Leonard Peltier, indien Sioux incarcéré aux U.S.A. depuis 1977, pour meurtre, mais qui a toujours clamé son innocence. "Nos Vieux" parle des parents de RENAUD (qui a perdu son père il y a peu). "Adieu l'enfance", de sa fille, Lolita, qui grandit si vite qu'il se met à se rappeler quand elle était gamine... "Elsa", pour une fille dont le frère s'est suicidé... une amie de RENAUD...
RENAUD, ici, parle aussi de sa femme, Romane Serda. "Ma blonde" est hilarante (blonde comme le blé en gerbe, elle a inventé l'eau tiède, et vous emmerde), vraie satire contre les blagues et les préjugés envers les blondes. "R.S. & R.S." (leurs deux initiales) parle d'une bien belle histoire d'amour : la leur. Le morceau, et c'est dommage, est trop court.

"Danser à Rome", petit délire sur le nom de sa femme... je vous laisse découvrir. Excellent.
Un des morceaux les plus attendus du disque est la suite de son "Où c'est qu'j'ai mis mon flingue ?" de 1980 : "J'ai retrouvé mon flingue !". Là, par contre, c'est plutôt mou du genou. Un des trois morceaux qui m'empêchent de mettre la note maximale au disque, avec "A la téloche" et "Filles de joie", où la plume de RENAUD se fait trop virulente envers la TV. Après tout, RENAUD est bien content d'y passer, non ?
N'oublions pas les deux chansons que tout le monde connaissait avant la sortie du disque : "Les bobos", qui ouvre le disque, est une vraie réussite, marrante, caustique, et aussi assez vraie. Apparemment, les gens n'ont pas entendu la fin de la chanson (j'fais aussi partie du lot !) pour juste retenir une charge totale envers une bonne moitié de la population parisienne.
Et puis, "Elle est facho", face B du single promotionnel. Cette fille que RENAUD nous présente, on aurait envie, au mieux, de la gifler. Là aussi, les gens n'ont retenu qu'une chose, la dernière phrase : elle vote Sarko. Pure provocation de la part d'un RENAUD plus rouge que jamais, mais reconnaissons qu'il a fait fort.

Au niveau musical, il est intéressant de signaler que RENAUD semble avoir totalement délaissé le son rock de ses débuts (comme c'était le cas des albums Le Retour de Gérard Lambert et Morgane de toi) pour un son plus acoustique (sur certains titres, comme "Les cinq sens" ou "R.S & R.S.", on n'entend qu'une guitare ou un piano), voire même orchestral (les orchestrations et choeurs des "bobos" ou "Dans la jungle" / "En la selva", pour ne citer que ces exemples). Ce n'est pas un mal.
On peut préférer le RENAUD jeune, virulent, de "Hexagone" ou de "Camarade bourgeois" ou lui préférer le RENAUD quinquagénaire plus reposé, mais avec quand même quelques coups de gueule. Pour ma part, j'aime les deux.

Au final, un disque vraiment réussi, trop court (39 et 43 minutes pour les deux CD, j'imagine que le CD simple doit faite à peine une heure), mais remarquable. Assurément, le meilleur de RENAUD depuis Mistral Gagnant, de 1985.