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VARIÉTÉ FRANÇAISE  |  STUDIO

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RENAUD - Renaud (2016)
Par GEGERS le 24 Avril 2016          Consultée 8296 fois

Face à l'obscurantisme et à la connerie, RENAUD a toujours été un remède. Même lorsque, sur l'album de son premier retour, l'exceptionnel Boucan d'enfer, il se faisait alors plus personnel et intimiste, le chanteur est resté une vigie, une phare dans la nuit, un rempart à la bienséance crasse et aux idéologies poisseuses. Et puis, le RENAUD du Grand Soir s'est éteint. Miné par l'alcool, diminué par l'âge, buriné par la vie, il a gardé sa plume, mais la plume n'est plus acerbe. Alors que l'on se rappelle avec mélancolie les paroles de "Ou c'est qu'j'ai mis mon flingue" (J'veux qu'mes chansons soient des caresses / Ou bien des poings dans la gueule), on réalise la chance que l'on a d'entendre, en ce mois d'avril 2016, de nouvelles compositions de l'éternel loubard au foulard. Un nouvel album, sans titre, qui mêle plaisir et tristesse dans un maelstrom doux-amer qui, étrangement, laisse un goût de fin de cycle.

A voir le chanteur sur les plateaux de télés, on constate que RENAUD n'est plus, malgré un regain de vitalité, que l'ombre de lui-même. Son articulation difficile en interview tranche, miracle de la technologie, avec la clarté du chant que l'on peut entendre sur ce nouvel album. Les lignes vocales, sans doute retravaillées par ordinateur, sonnent même plus justes que celles de l'inécoutable Molly Malone publié en 2009 (même si la qualité fluctue, des titres tels "Petite fille slave" et "Ta batterie" étant vraiment douloureux à l'écoute). Tandis que le chanteur clame, sur le single "Toujours debout", J'fais plus les télés, j'ai même pas internet, le voir ainsi évoquer dans tous les médias sa résurrection inespérée (symbolisée par le phénix qui orne la pochette) laisse une inexplicable impression de gêne. C'est bien simple, ce titre prend le contre-pied parfait de l'intimiste et sincère "Je vis caché" de Boucan d'enfer, un opus de retour autrement plus abouti que ce 16ème opus. Ce disque, s'il est relativement intéressant et offre quelques bons moments, témoigne aussi d'une baisse de qualité, tant en termes d'écriture que d'arrangements musicaux.

Remis en selle à la suite des attentats de Charlie Hebdo, RENAUD consacre deux titres à l'événement, qui se font finalement très représentatifs de la teneur globale de l'album : "J'ai embrassé un flic", s'il propose un 'petit' texte sympathique et à contre-pied de l'image du chanteur, est rapidement oublié. "Hyper-casher" se fait plus problématique. En décrivant par le menu la prise d'otage, le chanteur annihile tout sentiment, et ne propose qu'en fin de titre une réflexion plus globale sur la folie de l'humanité qui, elle, fait mouche. Une mélodie douce, agrémentée d'un accordéon et d'un violon, fait le job sans qu'on ait l'impression d'avoir ici affaire à un grand album. L'album est ainsi fait, mêlant bonnes idées et titres superflus. Dans cette deuxième catégorie sont à ranger "J'ai passé la nuit en taule" (pourtant le plus 'old-school' des titres de ce nouvel opus), "Mon anniv'", son texte bas du front et sa mélodie rock peu reluisante, ou l'horrible slam "Pour Karim, Pour Fabien", dédié aux slammeurs Ami Karim et GRAND CORPS MALADE, que l'on penserait tiré d'un sketch de Jean-Marie Bigard.

Quelques bonnes surprises l'émaillent néanmoins. Alors qu'il se faisait lourd en évoquant sa muse Romane Serda à chaque tournure de phrase sur l'album Rouge sang, c'est bien lorsqu'il évoque sa famille et sa vie personnelle que RENAUD se fait cette fois le plus touchant. On apprécie ainsi la délicate saveur folk de "Héloïse", balade à Venise en compagnie de sa fille Lolita et de sa petite-fille. "Petit bonhomme", qui mêle elle aussi avec brio guitare et accordéon, et une belle déclaration d'amour à son fils Malone. Sensible et authentique, RENAUD fend la carapace et nous semble ici, enfin, accompli. "La vie est moche et c'est trop court", sur laquelle il évoque ses démons personnels, évoque l'influence d'un BRASSENS dont le chanteur se réclame. Une indéniable réussite. La plus belle surprise reste néanmoins "Les mots" dont la mélodie au piano, signée par son gendre Renan LUCE, sert de socle à un texte splendide, déclaration d'amour inconditionnelle aux mots et à leurs auteurs, qui résonnera profondément chez tous les amateurs d'écriture et de lecture.

RENAUD ne chante pas juste, ne chante pas faux, il chante vrai peut-on lire dans le livret de ce nouvel opus. Les textes, s'ils sont souvent sincères et beaux, témoignent pourtant d'une certaine lassitude. RENAUD est fatigué, pour reprendre l'adjectif du morceau clôturant l'album Mistral gagnant qu'il associe à sa nouvelle réalisation. Et ce seizième album a parfois des allures d'acharnement thérapeutique, tant son écoute peut se faire tour à tour douloureuse ou gênante. Comme si nous entrions dans l'intimité d'un malade qu'on sait condamné. Une impression mitigée donc, celle d'un au-revoir que l'on aurait aimé plus inspiré et plus abouti.

2,5/5

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   (3 chroniques)



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1. J'ai Embrassé Un Flic
2. Les Mots
3. Toujours Debout
4. Héloise
5. La Nuit En Taule
6. Petit Bonhomme
7. Hyper Casher
8. Mulholland Drive
9. La Vie Est Moche Et C'est Trop Court
10. Mon Anniv'
11. Dylan
12. Petite Fille Slave
13. Ta Batterie
14. Pour Karim, Pour Fabien



             



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