Construction Time Again poursuit la voie engagée un an plus tôt par A Broken Frame, c’est-à-dire une recherche expérimentale et des ambiances tout en nuances clair-obscur.
Deux éléments le différencient toutefois : DEPECHE MODE souhaitant s’engager livre des textes plus marqués politiquement (bien qu’empreints d’une certaine naïveté), abordant des thèmes tels l‘égalité des peuples, la paix et l’écologie.
La découverte du monde, notamment de l’Asie, grâce à une tournée, influence fortement la composition de l'album, à travers les thèmes évoqués plus haut, qui se veulent moins légers que ceux du premier album.
Une autre influence confère à Construction Time Again une direction inconnue jusque là : l’attrait de Martin Gore pour la musique industrielle (EINSTÜRZENDE NEUBAUTEN en tête) et toute la scène musicale et artistique berlinoise, l‘Allemagne devenant le second pays d’adoption du groupe, avec lequel il entretient toujours une relation très forte.

L’album est porté par le travail des sons, des rythmiques, des bruitages divers et par l’échantillonnage essentiellement percussif de musiques industrielles. Le summum reste sans doute le lancinant "Pipeline" avec son mélange improbable d'ambiance extrême-orientale et de chant en forme de slogan quasi-marxiste sur le partage des richesses (We’re laying a pipeline, taking to the greedy, giving to the needy). On imagine d’ailleurs très bien l’ouvrier présent sur la pochette en train de chanter cet air tout en travaillant. L’ambiance froide qui se dégage de cet album est parfois réchauffée par des titres imparables (le tube "Everybody Counts" chanté par Gore et Gahan ou les réminiscences pop synthétiques de "Love in Itself"). Est-ce vraiment un hasard si ce sont les 2 singles extraits de l'album ?

Le reste de l’album oscille entre l'expérimentation ("Shame" aux samples de flûte sous-jacents quelque peu déstructurés) et, plus accessibles, ("The Landscape is Changing" au gimmick toujours dans cette mouvance extrême-orientale et le percutant "Told You So" annonçant déjà l’esprit de l’album à venir avec ses lignes de chant typiques).

Malgré quelques maladresses et une naïveté encore prononcée, Construction Time Again permet à DEPECHE MODE de s’éloigner définitivement de la pop synthétique de l’époque de Vince Clarke. Néanmoins, en raison de son caractère expérimental sans doute plus poussé, il reste encore assez difficile d’accès pour le néophyte. Mais patience, les chansons matures et les mélodies tubesques de DEPECHE MODE arrivent à grands pas dès Some Great Reward.
Cela reste quand même un album très intéressant pour son approche unique, au carrefour d’influences extrême-orientales et industrielles notamment.