Le Miracle, douzième enfant in vitro conçu en studio, ou treizième si l’on considère Flash Gordon comme une expérience viable, naquit un 22 mai. Comme les autres, ce rejeton possède à la fois un fort air de famille, mais également une personnalité bien distincte qui le rend unique dans le fil de la généalogie.

The Miracle ne possède peut-être pas la force hyperbolique qui sous-tend son nom, mais après tout, comme on le constate sur le morceau éponyme, "Le miracle", c’est plutôt ce dont nous avons besoin pour sortir la Terre dans le pétrin dans lequel elle s’est fourrée.
Or donc, comme je l’ai signalé dans presque toutes mes précédentes chroniques, cet album s’articule autour de titres à dominante pop et d'autres à dominante plus rock voire hard-rock (il s’agit encore une fois d’un savant mélange appliqué à chaque morceau). Le procédé est le même, seul l’habillage réel change. Ici QUEEN semble avoir enfin digéré les influences des eighties, à savoir l’usage parfois excessif des claviers et autres effets électro pas toujours de bon goût. Par conséquent, le disque paraît un peu moins daté que ses prédécesseurs directs. Cela dit, les arrangements sont, sur la plupart des titres, assez classieux ou sophistiqués, servis (ou desservis, rayez la mention inutile) par une production en papier glacé que certains jugent peut-être trop lisse et millimétrée, qui fleure bon l’odeur aseptisée du studio. On peut y déceler l’influence de l’incursion solo de Freddie Mercury dans le domaine de l’opéra sur Barcelona, sans parler de la volonté indéniable de plaire au plus grand nombre, bien sûr. Personnellement, cela ne me gêne pas outre mesure.

L’album compte quelques pépites, et notamment le fameux "I Want It All" qui brandit le fier étendard du rock à poils durs. Un rythme mid-tempo mais puissant, des riffs abrasifs et un chant rauque maîtrisé, de quoi établir un nouveau morceau référentiel dans la discographie déjà bien fournie du groupe. A noter que la version de l’album possède une courte intro instrumentale, remplacée dans la version radio par l’envoi direct du refrain, plus rentre-dedans et accrocheur pour le grand public. Parmi les bonnes surprises pop, on note le morceau titre, malgré des paroles très 'discours de Miss Monde' (Peace on earth and end to war...), l’original et un peu déjanté "The Invisible Man", avec sa ligne de basse technoïde qui préfigure déjà la mélodie de la Macaréna... ou bien le plus classique et sobre "Rain Must Fall", dont la mélodie est fraîche et doucement entraînante. Du côté du rock, on salue "Breakthru" avec son intro à l’influence gospel puis sa rythmique de locomotive, ainsi que "Scandale" (de bons riffs et des paroles qui semblent cascader naturellement, malgré un sujet que je suspecte un peu risible... la presse à scandale ?) et surtout "Was It All Worth", titre assez ambitieux et baroque, qui entrelace grosses guitares et arrangements plus scintillants, se fendant de quelques orchestrations débridées au moment du break.
"My Baby Does Me", contemplatif mais manquant de profondeur, ainsi que "Party" et "Khashoggi’s Ship" sont plus anecdotiques. On compte aussi trois bonus tracks, un inutile remix de "The Invisible Man »," un instru à la guitare "Chinese Torture", sympathique mais sans plus, et enfin le titre "Hang On In There", dans le ton de l’album, mais qui laisse un goût d’inachevé. L’ensemble est donc satisfaisant.

Ainsi, on constate un retour certain des guitares sur The Miracle, tout en conservant le sucre glace de la pop qui saupoudre le tout. Ce n’est certainement pas le meilleur album du groupe, mais il reste tout à fait honorable : le trou noir se situe au début des années 80 et ici QUEEN commençait sérieusement à remonter la pente. Enfin, c’est une façon de parler, puisque nous sommes en 1989, et que c’est déjà le début de la fin. Freddie sait qu’il est malade (il n’y aura d’ailleurs pas de tournée pour la promotion du disque) et l’histoire s’achèvera deux ans plus tard.