Le premier album de CAN est sans aucun doute l'un des meilleurs du groupe avec l'incontournable Tago Mago. Ce qui est assez stupéfiant finalement c'est que le style est déjà posé d'une manière assurée (dans la limite du caractère expérimental de cette musique qui par définition expérimente et donc évolue). Voulant se démarquer de la culture américaine d'après-guerre, la volonté, la direction (die neue Richtung) de CAN ne constitue pas seulement un rejet culturel d'ordre général mais un rejet plus nettement musical. Et sur Monster Movie le constat est clair : pas de stars, pas de structures traditionnelles couplets/refrains, pas de changements de plans incessants toutes les dix secondes, quasiment pas de soli ou de longues plages réservées à un instrument (ce qui est osé compte tenu de la durée de certains titres).

Finalement CAN s'inscrit bien dans un esprit de groupe, dans un esprit libre et hippie de la fin des années 60. CAN comporte quelques éléments funky, free-jazz... et l'on sent bien une volonté tribale et minimaliste dans sa musique. La recette est souvent la même : la répétition des thèmes ou des motifs musicaux afin de plonger l'auditeur dans un état de transe, d'hypnose, d'envoûtement, comme si un esprit étranger ou une drogue s'emparait de l'auditeur pour le plonger dans un état d'altération mentale, à la frontière de deux mondes, celui qui est bien réel et celui qui est purement spirituel.

Le Krautrock de CAN a donc pour effet de faire revenir notre esprit dans une espèce d'état primitif, une sorte d'état de dépouillement premier (fantasmé ?) qui le conduit à se rapprocher de la nature et des dieux, à sentir de nouveau les ondes du monde, des étoiles, de l'univers et des esprits afin de vibrer avec eux. Evidemment l'époque le voulant, l'usage des drogues censées libérer l'esprit n'est pas loin.

Des plages de 20 minutes comme "Yoo Doo Right" ne sont pas étonnantes : la répétition du thème musical, de cette rythmique tribale et du chant, de la note ou du riff de guitare, devant nous conduire directement dans la peau même du chamane. D'ailleurs n'est-ce pas lui que nous entendons chanter, appeler les esprits de la nature dans "Father Cannot Yell", lorsque celui-ci répète inlassablement ses "ha ha hahaha" ?

Note réelle : 4.5/5.