Wind and Wuthering aurait dû être le meilleur album de GENESIS.

A Trick of the Tail, sorti en 1976, était déjà une belle prouesse, pour les raisons développées dans la kro-express correspondante. Évidemment, les fans espéraient une suite de qualité, voeu exaucé à peine quelques mois plus tard. Leurs espérances furent plus que récompensées : Wind and Wuthering est globalement meilleur que A Trick of the Tail. Pourquoi ?

Question de sensibilité : si A Trick of the Tail est solaire et dynamique, même dans ses ballades, Wind and Wuthering semble forgé dans le froid morose de l’automne précédant l’hiver [1]. Par conséquent, il est plus exigeant et donc moins facile d’accès. GENESIS étant GENESIS, l’album reste toutefois aussi accessible que réussi. Et là, on atteint le sommet de ce que le groupe est capable d’offrir en termes de qualité musicale. "Eleventh Earl of Mar" est une ouverture longue, épique et pleine de circonvolutions musicales qu’on se prend en pleine figure avec plaisir. C’est une carte de visite idéale tant le reste est à l’avenant... en plus d’être meilleur : "One for the Vine" doit ainsi être le meilleur morceau jamais composé et interprété par GENESIS, tant il condense en 10 minutes tout l’ADN du groupe à cette période, au point qu’il n’est pas étonnant de l’écouter en boucle 2, 3 fois sans se lasser. L’autre grand moment de Wind and Wuthering, c’est la suite composée des trois derniers morceaux, tellement fluide qu’il parait a posteriori criminel d’écouter le moindre live où seule la pourtant magnifique "Afterglow" est jouée.

Oui, Wind and Wuthering avait tout de l’album parfait, avec ce genre de morceaux merveilleux et rêveurs. Seulement voilà, tout est gâché avec "Your Own Special Way", grosse verrue mièvre et bien trop longue, fruit d’un Mike Rutherford tristement inspiré, et interprété par Phil Collins, qui voit là le début de sa triste mauvaise réputation de vendeur de soupe - pour le coup, c’est mérité. Oh, on peut écarter le morceau, essayer de le remplacer par, au hasard, "Inside and Out", mais le mal est fait quand même.

Relativisons : sortir deux albums exceptionnels, de surcroît la même année, ce n’est donné qu’à peu de monde, même en 1976, même quand on parle du haut du panier progressif. GENESIS l’a fait, et rien que pour ça, hors de question de dénigrer la période Collins. Ceci étant, il y a un défaut assez subtil et néanmoins prégnant : l’alchimie musicale est quelque peu chancelante, avec notamment un Steve Hackett de plus en plus à l’étroit, et qui finira par quitter le groupe ; et autant le départ de Peter Gabriel aura été géré rapidement et efficacement, autant il faudra du temps pour se remettre en selle après celui du guitariste emblématique.

[1] : meilleure saison je ne veux rien savoir