Tout amoureux et fidèle qu'il soit, le fan de GENESIS hésite parfois entre la satisfaction et la colère. Et quand ça tire vers la colère, alors là... Tenez, par exemple, depuis le printemps dernier, les rumeurs vont bon train sur une reformation du groupe. On nous annonce carrément que le Big Five (Banks, Collins, Gabriel, Hackett, Rutherford) se réunit et planifie des séances en commun pour l'automne. Chouette, un album ! Une tournée ! Bref, comme d'habitude, on espère vite, et comme d'habitude, on déchante vite.

À cette heure, rien n'est encore sûr ni définitif, sauf ce qui a déjà été annoncé, à savoir la publication d'un documentaire enregistré par la BBC appelé Genesis : Together and Apart pour octobre, précédé de ladite compilation R-Kive. Compilation étalée sur trois CD's. Une nouvelle, devrait-on dire, car il y a dix ans, GENESIS publiait The Platinum Collection, déjà consacrée à l'ensemble de la carrière du groupe, et en triple volume. Trois ans plus tard, lors de la tournée reformation en trio en 2007, on avait droit à une réédition double CD de The Hits, parue en 1999. Vous suivez ?

Même si GENESIS n'a jamais été un nom synonyme de greatest-of à gogo, la pilule devient difficile à avaler. Ils n'ont rien de mieux à faire ?; Tout ça pour ça ![fi) GENESIS a toujours d'abord pensé par lui-même, ce qui dans un sens demeure louable. Tony Banks et Mike Rutherford font ce qu'ils veulent, quand ils le veulent, avec plus ou moins de passion. Personnellement, je grince un peu plus des dents envers Steve Hackett dont la nostalgie de GENESIS s'éternise, et aussi Peter Gabriel qui n'a de différence avec Steve Jobs que le fait d'être d'abord musicien et encore vivant, ou pas encore parti vers un nouvel âge réminiscent (merci les Inconnus !). Phil Collins et Anthony Phillips sont mes favoris, à tous les niveaux, mais le second reste impopulaire à cause d'un départ trop prématuré en 1970.

Le GENESIS millésimé 1971-1975 se réunit donc autour d'une table et sélectionne ce qu'il lui convient de faire valoir. On passera très vite sur les titres du groupe, car ils sont TOUS (à un "Back in NYC" près) déjà disponibles sur The Platinum Collection, la compil de 2004. Les seules différences, c'est que la période 'transitoire' (1976-1981) laisse place aux titres solo, et que l'ordre chronologique est respecté, le CD 3 de Platinum devenant le CD 1 de R-Kive[fi). R-Kive[fi), quel nom, purée ! Trop ché-bran quoi! Bon, au moins ils ne nous ont pas fait le coup de The Platinum Collection 2.0 ! Le nouveau logo est plutôt bien fait et sympathique, mais pas de quoi se lever la nuit.

GENESIS ouvre enfin son univers de groupe à celui des carrières solo réalisées par chacun de ses membres, alors que l'histoire semblait un rien cloisonnée jusque là : tous en groupe, sinon chacun de son côté. Cela permet de mieux rendre compte au public d'une diversité incroyable et souvent insoupçonnée, en vue d'ensemble. L'idée est bonne, et l'objectif atteint. Bien sûr, il y a des impératifs : quinze morceaux en tout, trois pour chaque membre. Un tube ou une pop-song, et dans la mesure du possible, une surprise ou quelque chose de plus aventureux.

On a "Solsbury Hill" (mais pas "Sledgehammer") de Gabriel, l'accessible et réjouissant "Every Day" d'Hackett, extrait de Spectral Mornings (1979) enrichi d'un long solo de guitare, ou encore le joli "For a While" de Banks sur son chef-d'oeuvre A Curious Feeling (1979). Le plus fainéant reste Mike Rutherford qui considère que son oeuvre solo commence avec les Mechanics et qui fournit ses trois plus grands tubes (excellents au demeurant) dont "Over My Shoulder" qu'on a tous fredonné un jour, sans savoir de qui c'était. Pour les curieux, "Ace of Wands" d'Hackett propose une parenthèse prog-rock vintage (Collins et Rutherford y participent), et il y a le magnifique "Signal to Noise" de Gabriel, déroutant néanmoins.

Dans le cas de Collins, on a l'efficacité de "Easy Lover", la couleur unique de "In the Air Tonight", ainsi que "Wake Up Call", titre pop gentillet auquel personne n'aurait pensé, sauf lui-même. Mais d'autres ont fait ça, comme Hackett avec son "Nomads" (et, quoique bien différent, couplé avec "Biko" et "Signal to Noise" de Gabriel pour sa touche world-music). Banks propose encore "Red Day on Blue Street", pop sophistiquée chantée par Nik Kershaw, et "Siren", extrait de Six (2011) offre une escapade symphonique, curieusement placée en fin de sélection.

On est tenté de vous dire : Si vous êtes amateur ou fan et que vous voulez sortir des sentiers battus, n'achetez pas cette compilation, allez sur Spotify et YouTube", puisque la quasi-totalité des morceaux du groupe et des carrières solo, officiels ou non, s'y trouvent, avec la bénédiction des intéressés. De toute manière, la présente sortie s'adresse au néophyte, et encore... Cette chronique est volontairement bavarde, parce qu'on n'a plus trop souvent l'occasion de parler de GENESIS en nouveauté. La musique demeure excellente, mais on préfère largement les albums. Fans du groupe, passez votre chemin.

*Note : Cette compilation est prévue pour le 29 septembre prochain.