Il y a les super albums, les grands albums, les albums géniaux, et puis il y a les historiques : ceux qui ont suscité le plus de vocations et sur lesquels le temps ne peut pas avoir de prise. Rising Force, premier opus en solo du jeune YINGWIE MALMSTEEN (21 ans à l’époque !), fait incontestablement partie de cette dernière catégorie.
Les amateurs de guitare les plus attentifs avaient bien identifié le phénomène du côté du ALCATRAZZ de Graham Bonnet, mais rien ne nous avait réellement préparé à la baffe monumentale reçue en mars 1984.

Auto-produit et enregistré en un temps record, ce premier effort en solo a fait entrer la guitare Rock dans une dimension alors inconnue : sept ans après la révolution VAN HALEN et trois ans avant Joe SATRIANI, le jeune Suédois balayait d’un revers de manche tout ce qu’on croyait savoir sur les possibilités de cet instrument en poussant à un point extrême les premières belles avancées vers la musique classique de Ritchie Blackmore (sa principale influence avec celle de Jimi HENDRIX).
Trente-neuf minutes de musique suffisent à installer la guitare électrique dans une nouvelle dimension, au travers de huit titres finement ciselés au fil desquels l’instrumentiste, qui brille de mille feux, le dispute au compositeur qui révèle une inspiration prodigieuse dans un registre Métal Néo-Classique totalement nouveau et inventé sous nos oreilles ébahies.
Difficile de distinguer quoi que ce soit dans un ensemble aussi génial : les solos incroyables de "Black Star", le prodige de composition de "Far Beyond The Sun", l’intro et le riff qui tuent de "Now Your Ships Are Burned", l’incroyable "Icaru’s Dream Suite" (avec la reprise pleine d’émotion du thème de l’adagio d’ALBINONI) ou encore le superbe "Farewell" mettant un point final classique et classieux à un album proche de la perfection.

Le temps est passé, une meute de jeunes (et de moins en moins jeunes) loups s’est engouffrée dans la brèche géante ouverte par Yngwie, lui-même devenu peu à peu, malgré d'excellents albums distillés de-ci de-là, l’élément le plus caricatural d’un genre qu’il avait intégralement créé.
Mais rien n’est venu altérer l’incomparable beauté de cette première œuvre, une des rares qui mériteraient un six ou sept sur cinq dans nos vénérables colonnes. Rien que pour cela, Yngwie mérite notre reconnaissance éternelle.