Paru en 1984, entre l’album de la révélation Script For a Jester Tears et celui de la consécration Misplaced Childhood, Fugazi est souvent considéré comme le rejeton un peu imparfait du groupe, une sorte d’intermédiaire entre une belle Chrysalide et un magnifique papillon.
Pour ma part, je trouve les jugements qui accompagnent le disque plus que sévères, tant celui-ci m’a enchanté à sa sortie et continue à le faire après toutes ces années. Certes, le groupe est souvent dans l’excès et n’a pas encore totalement digéré sa grande influence de GENESIS, notamment Fish qui pousse à l’extrême les tics vocaux de Peter Gabriel tout en intégrant parfois l’aspect nasillard du chant de Phil Collins, mais cet album marque un grand pas en avant dans la qualité des compositions et de l’interprétation du groupe.
Le début du disque est absolument parfait : "Assassing" est un titre impressionnant avec ses mélopées orientales, sa batterie tribale et sa petite rythmique funk avant le riff de guitare, la superbe partie chantée de Fish et refrain mémorable, alors que "Punch & Judy", encore plus dynamique, se voit porté par un riff des synthé et un rythme à mesures impaires typique du rock progressif avant des développements harmoniques et des parties instrumentales magnifiés par le chant de Fish.
Le rythme ralentit un peu avec "Jigsaw", morceau lent et introspectif mais qui comporte en partie centrale un superbe solo de Steve Rothery, alors que la dynamique et fort réussie ouverture de "Emerald Lies" nous entraîne dans une pièce où la théâtralité de Fish fait de nouveau des merveilles. "She Chamelon", gorgé d’émotion, démarre très lentement, dans une atmosphère d’une grande tristesse, et se déploie à travers de superbes partie de claviers et de guitare. "Incubus" est un titre de 8’30, exemplaire du savoir-faire de MARILLION, notamment dans sa superbe seconde partie. J’ai gardé pour la fin "Fugazi", magnifique pièce de près de 8’ encore, à l’intro de piano magique et aux développements prodigieux. Il s’agit indiscutablement d’un des meilleurs titres des Anglais, toutes périodes confondues.
Finalement, Fugazi est bien un grand disque, nullement un simple album de transition, tant il est supérieur au premier effort du groupe. Défiant en outre parfaitement le temps, il s’impose comme un des meilleurs de Fish et de sa bande.

Note 4,5 portée à 5 pour bien marquer le coup.