AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

Après le douloureux passage à vide qu'était Das Hohelied Salomos, POPOL VUH reprend sa saine habitude de ne créer que de grands albums, et pas de n'importe quelle manière. En effet, le groupe de Florian Fricke décide de publier ses premiers travaux réalisés pour le cinéaste Werner Herzog. Et quels travaux, puisqu'il s'agit de la B.O d'Aguirre ! Un film exceptionnel, symboliquement puissant, et à la fois désespéré, qui réclame cependant un recul et plusieurs visionnages sous peine d'obtenir une incompréhension totale. Mais une fois ce travail préparatoire fait, tout s'ouvre à l'esprit.

La musique, en revanche, n'a pas besoin d'être écoutée en boucle pour qu'on la qualifie de réussie. "Aguirre", le morceau, est une fable onirique, un moment de poésie délicate et aérienne, qui n'a rien à envier aux plus purs morceaux de l'histoire de la musique. "Aguirre" est d'autant plus beau qu'il n'est constitué que de chœurs et d'un synthé mantrique. On peut le dire : "Aguirre" est un morceau de génie.

Mais Aguirre, l'album, ne repose pas que sur ce morceau et sa déclinaison ("Aguirre II"). D'autres pièces viennent compléter l'oeuvre, comme "Morgengruß" II, où Conny Veit se fait de nouveau virtuose avec sa guitare, ainsi que "Agnus Dei", où la musique résonne profondément. Quant à faire l'impasse sur "Vergegenwartigung", c'est une erreur, et pas seulement parce que c'est un morceau de plus de 16 minutes. Plus expérimental, plus décousu, il contient en même temps des moments mémorables et des baisses de régime. Dans l'ensemble cependant, "Vergegenwartigung" est un bon morceau, qui s'écoute plus qu'en fond sonore.

Avec Aguirre, POPOL VUH reprend la saine habitude de sortir de très bons albums. Quelques points faibles sont donc relevables, mais c'est relatif et pas si horrible, et puis il permet de distribuer au plus grand nombre un morceau d'anthologie. L'inverse aurait été criminel.