Je saluerai toujours le courage de Martin Gore, Dave Gahan et Andrew Fletcher. Embarqués dans un projet très commercial mené par le jeune producteur Vince Clarke, ils auraient pu tomber dans l'oubli après le départ de celui-ci, ils auraient pu rejoindre la légion de groupes éphémères des années 80... Mais non, ils ont relevé la tête et conçu un deuxième album étrange, aux antipodes du premier.

Je me demanderai toujours s'ils avaient déjà le projet de faire un triptyque à cette époque, mais ça m'étonnerait que le coup de la faucille et du marteau ne soit pas prémédité. Voir ma KE de Construction Time Again pour plus de détails à ce sujet.

Evidemment, il ne faut pas s'emballer, A Broken Frame n'est certes pas un chef-d'oeuvre, mais compte tenu des circonstances, je trouve que la performance est bluffante. Le disque commence très bien, dans une veine électronique qui me semble plutôt influencée par Jean Michel Jarre. « Leave in silence » est une magnifique chanson aux accents nostalgiques, une des plus annonciatrices de l'excellence à venir. Au fait, Depeche mode est quand même un de ces groupes qui ratent rarement un début d'album, seul celui de Violator me laisse perplexe. « My secret garden » est mieux écrite qu'il y paraît, « Monument » une expérimentation comme ils ne se le permettront plus beaucoup plus tard, et « Nothing to fear » un instrumental purement électronique. Malheureusement, la suite est un rien plus discutable, surtout « The Meaning of Love » et « A Photograph of You », plus proches de la new wave/dance du premier album. La fin nous ramène à un meilleur niveau, avec l'enchaînement du mystérieux « Shouldn't Have Done That » et de « The Sun and the Rainfall », dont la ritournelle est des plus mémorables.

A Broken Frame m'a toujours paru être un bon album, plein de bonnes idées et excessivement prometteur. Les suivants seront mieux produits et plus achevés, mais ce n'est pas une raison pour bouder son plaisir.