A trick of the tail, voilà un album si peu attaquable que même les pires zélateurs de la période Gabriel ne réussissent pas à vraiment en dire du mal. C'est ainsi, A trick est le seul album de Genesis véritablement impeccable. Ses huit chansons très travaillées, enregistrées avec un son fabuleux, et avec le meilleur jeu que les membres du groupe ont jamais montré. Bien sûr, il faut en remercier la production, rien n'a été laissé au hasard et il est vrai que, chaque médaille ayant son revers, cette perfection de la conception est contrebalancée par une absence de spontanéité, une très faible expérimentation. La prise de risque reviendra dans les albums suivants, qui sont logiquement bien plus controversés...

L'autre attaque perpétrée contre A trick est bien entendu la question de la voix de Phil Collins. Il ne plaira jamais à tout le monde mais, ceci étant dit sans vouloir offenser quiconque, beaucoup font preuve de mauvaise foi à son égard. Son chant est excellent, aussi impeccable que le reste de l'album en fait. Alors oui, bien sûr, il est assez lisse par rapport au talent théâtral de Peter Gabriel mais je ne pense pas que le style de celui-ci aurait convenu à des œuvres aussi romantiques que les premiers albums auxquels il n'a pas participé. C'est ainsi, la divergence à eu lieu... sur The lamb lies down on Broadway, le groupe semblait partir sur une nouvelle voie mais ce n'était qu'une parenthèse. Gabriel étant parti, c'est la tendance romantique d'Anthony Banks qui s'est plus que jamais imposée, avec une atténuation du côté théâtral – malgré tout, la plupart des textes de A trick of the tail et Wind and wuthering mettent en scène des personnages qui dialoguent, mais de façon moins caricaturale que dans un «Get 'em out by Friday».

En ce qui me concerne, il n'y a guère de doute en tout cas, A trick of the tail est un des meilleurs Genesis. Il suffit d'entendre la puissance de «Dance on a vulcano», la grâce absolue d'«Entangled» (grâce qui rend encore plus amusantes les paroles satiriques), la qualité de la narration de «Squonk» et la rêverie progressive de «Mad man moon». Cette première face est une des plus belles choses que j'aie entendues... qu'importe l'expérimentation quand on arrive à ce degré de pertinence musicale. Plus précisément, il faut un temps pour tout : parfois on veut entendre le délire expérimental de Foxtrot, parfois la longue divagation moderne de The lamb et parfois la plénitude de A trick, ce n'est pas un hasard si je considère que ce sont les trois plus grands. La deuxième face est des plus excellentes également. Si la ballade «Ripples» ne m'a jamais autant plu que «Entangled», les histoires décalées de «Robbery, assault and battery» et de la chanson-titre garantissent la continuité avec le Genesis d'avant, et le final instrumental «Los Endos», développant les thèmes de «Dance on a vulcano» et «Squonk» est un bijou de construction musicale.

A tout le moins, on peut dire que A trick of the tail est la porte d'entrée idéale dans la discographie de Genesis. Il est beau, facile d'accès parce que très bien écrit et bénéficie d'un son magnifique, qu'on n'aura pas l'idée de qualifier de daté. On ne s'en lasse pas forcément très vite pour autant. Pour toutes ces raisons, cet album occupe une place centrale dans leur incroyable carrière et une place importante dans le courant progressif.