Nous sommes deux ans après l’explosion de KMFDM dans la sphère du métal industriel. Premier et surprenant constat, la couverture n’est pas de Brute!, mais l’oeuvre de l’épouse du désormais batteur Bill Rieflin – ex- MINISTRY et futur KING CRIMSON -, Francesca Sundsten. Rassurez-vous, c’est la seule avec celle du premier album, mais cette joconde de pacotille, cependant intrigante, ne dépareille nullement dans les visuels du groupe. Il faut d’ailleurs admettre que cet aspect du groupe est particulièrement attractif et bonnard.
Nihil est déjà le huitième opus des Allemands. On assiste d’ailleurs au retour de Raymond Watts qui dynamite la créativité du groupe selon Konietzko. Le milieu des années 90 correspond aussi à l’émergence de RAMMSTEIN, ce qui symbolise la prise de pouvoir de l’industriel sur la musique populaire.

De "Juke Joint Jezebel", le grand hit du groupe, s’est écoulée la bagatelle de 2 millions d’exemplaires de par le monde. Ce titre au refrain complètement bandant est une vraie tuerie. La guitare place un riff dantesque sur un blast beat de la mort qui tue, et les voix féminines, Sacha et Raymond, envoient la purée avec talent. Marrant que le fond de commerce du groupe, ce soit les soirées branchées gothico-Ebm plutôt que les concerts de metal pur et dur. Avec un titre pareil, nul doute que les metalleux suivraient le groupe de manière assidue. Grosses percus à la FRONT 242, discours et bruitages, "Terror" s’impose comme un bel instant hymnique. Les grattes sont nucléaires et les arrangements à l’unisson d’une musique qui tient ici toutes ses promesses, surtout lorsqu’on compare avec les premiers albums. Un titre d’enfer, mon préféré de cette livraison 95.

On reste dans une dynamique ultra-métallique sur "Trust", toujours enrichie par les interventions judicieuses de Dorona. Une vraie course-poursuite, ce titre, propice à de belles images de B.O. La course contre la mort se poursuit avec "Search & Destroy" dont les grattes sont d’une puissance rare et les tempi sans temps mort, directs dans la tronche et super violents, avec même un petit côté punky dans le refrain. Et alors que la pochette n’est pas de leur artiste Aidan "Brute !" Hugues, voilà que nos teutons préférés prénomment "Brute" une de leurs tueries. Pas la meilleure mais on est tout de même enseveli sous des tonnes de beat et de rythmiques chromées. La steel guitare de Durante fait merveille sur la speed "Ultra" aux sequencers toujours très proéminents, malgré la force des guitares.

Et puis on part vers l’inclassable comme d’habitude : le riff très méchant de "Flesh" sonne hardcore sur toute la longueur du titre, mais pas d’étonnement à avoir, vu le look de nos musiciens. Le Hammond refait son apparition, de même que les beat techno sur "Beast", Sascha et Dorona y tiennent magnifiquement la baraque. L’ambiance distordue et fantomatique de "Disobedience" nous renvoie à certaines ambiances new-wave, avec un étrange break psychiatrique, un refrain finalement très rock et un Sascha Konietzko plus maladif que jamais. En mode marteau pilon sur "Revolution", considérablement adoucie par les vocalises de Dorona - "It’s The End Of This World". On nage dans l’industriel : la gratte tricote sa rythmique d’acier chromé mais les beats sont new-wave, le chant susurré par Sascha. Enfin, le titre fantôme du magnus opus de KMFDM s’intitule "Nihil". Imaginez-vous dans une fonderie géante avec des pistons et des marteaux de la mort partout.

Nihilest clairement considéré comme le super classique de KMFDM, l’instant où toutes les influences digérées, les idées avant-gardistes et le talent de ses membres se sont agrégés pour donner naissance à l’opus le plus connu du groupe. "Juke Joint Jezebel" est leur standard évident, mais est ici accompagné de plusieurs titres de facture classique présentant le groupe sous son meilleur jour. On parlera bien sûr de Metal industriel et non plus d’Ebm ou de rock gothico indus pour le coup.
Ma préférence va au précédent Angst, mais les deux albums sont interchangeables en terme de notes et d’importance à mon sens. Je mets donc un 4, mais pas un 4 de raccro.