Houla ! Perturbés nous sommes avec ce très long titre inhabituel dans le modus vivendi du groupe. Les cinq lettres/signes sont dépassées de loin. L’oeuvre de Brute! est en revanche en parfaite adéquation avec l’état d’esprit du groupe. Ce brave gars, un cocktail molotov à la main face à un énorme char blindé, c’est symbolique de la pensée de KMFDM. Et oui ! On prône la révolte et la rébellion ! Plusieurs lyrics de l’album font d’ailleurs référence à la main-mise du système sur nos esprits embrumés par la surconsommation, l’élément clef de la pensée de Sascha Konietzko. Ceci est le dix-neuvième album du groupe et nous sommes en 2014, un an à peine après le très chouette Kunst.

La petite fille de Sascha et de Lucia introduit de manière décomplexée "Genau", assemblage de sequencers de haute volée avec seulement quelques grattes discrètes. Une belle cavalcade pour introduire ce nouvel opus, même si l’ensemble sonne peu original. La composition de Hodgson, "Brainwashed", propose une revisite des thèmes chers à KMFDM en ralentissant considérablement le propos. La rythmique rampante de gratte explose bien le cortex et nous voici d’un coup transportés dans le cerveau dérangé de KaptainK, complètement lessivé ! Le seul titre de l’opus qui vaille réellement le déplacement et tutoie les sommets du genre.

Une bonne partie des titres est drivée par la portion féminine de KMFDM. Lucia conduit l’agressive "Shake The Cage" à la rythmique de plomb. Quelques aspects mainstream y flottent de çà de là, un bridge synthétisé, plutôt sympa mais pas indispensable. Le refrain de "Our Time Will Come" s’insinue pas mal dans la caboche mais l’analyse semble aussi se diriger vers plus de facilité. Une volonté du couple industriel de toucher un public plus large ? Le titre reste agréable mais pas dans la mémoire, même si Lucia chante fort bien. La répétitive "Get The Tongue Wet" qui propose elle aussi ce nouvel élément tombe dans une certaine banalité. "Playing God" nous laisse dans cette même ambiance avec un brin plus de défonce.

Sascha chante de sa voix rauque la "Respekt", au refrain asséné, mais je reste un peu de marbre face à cette déferlante. C’est certes cool mais pas transcendant, la qualité des opus du groupe motive des attentes élevées. Le vocoder règne en maître sur "Salvation" où une gratte tronçonne tout ce qu’elle peut. Les nappes de synthés sont belles et un certain look mainstream est bel et bien là, malgré la puissance de la gratte. "Blood Vs Money" me semble classique dans sa conception, mais ne dispense que peu des éléments qui font l’originalité du groupe. "Make Your Stand", c’est un mot d’ordre qui signifie de tenir le choc et de rester en place. Pour un subversif de la trempe de Sascha Konietzko, ce terme revêt une certaine signification. C’est William Wilson, le chanteur de LEGION WITHIN, groupe indus de Seattle, qui tient ici le micro. Mais, si on excepte le charmant petit lick de synthé qui conduit le refrain, nous restons assez discrets.

Il va de soi que, si nous restons dans la moyenne, cet opus n’est pas recommandé pour découvrir la musique des Allemands de KMFDM. L’industriel ici proposé est traversé par de nombreuses tentatives de déradicaliser la musique, une erreur à mon sens, la seule fulgurance étant "Brainwashed" qui vaut clairement le déplacement. Mais trop de titres plus mainstream équivaut aussi à perdre une part importante de l’identité du groupe qui n’est jamais aussi efficace que dans l’extrême. Je reste sur un trois car il n’y a pas non plus de vrai faux pas.