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1987 Opus Dei
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LAIBACH - Opus Dei (1987)
Par JOVIAL le 4 Janvier 2011          Consultée 4814 fois

La musique techno a ses rites, ses chefs et ses croix gammées, titrait un article publié par l'Humanité en 1993. Le nom de LAIBACH, qui n'avait pourtant rien à voir avec la scène techno à l'époque, apparaissait en milieu de page. Sans donner aucune explication, le journal écrivait alors de but en blanc que le groupe se revendiquait ouvertement, comme d'autres, de l'idéologie nazie. Si cela avait vraiment été le cas, on se demande bien comment la formation slovène aurait fait pour signer chez Mute Records en 1987 et se faire distribuer en France par Virgin ! Ce genre d'affirmations péremptoires, souvent reprises voire déformées, trouve néanmoins son origine dans la sortie d'Opus Dei, premier véritable album du groupe à le faire connaître à l'international.

Tout est parti de l'emballage. Sur la pochette, le public découvre ainsi un homme au regard menaçant, torse nu, posant comme pour une sculpture d'Arno Breker et, sur le disque, un immense svastika fait avec des haches. Évidemment, la presse s'empare de l'affaire et LAIBACH est immédiatement catalogué d'extrême-droite. D'autant plus qu'en interview, Milan Fras jette de l'huile sur le feu en déclarant : nous sommes autant fascistes qu'Hitler a pu être peintre. Bien peu de journalistes auront néanmoins reconnu dans ce svastika le photomontage Sang et Fer de l'artiste allemand John Heartfield, opposant de la première heure au régime nazi. Aussi, c'est surtout l'idée du scandale entourant la sortie de ce disque qui retient l'attention du public, éclipsant malheureusement le contenu de l'album en lui-même.

Causons d'abord musique. D'une puissance inimitable, Opus Dei s'annonce indéniablement plus rock que ses prédécesseurs. Basse et guitare commencent à gagner en importance, les morceaux semblent moins brouillons. Mais on retrouve aussi ces rythmes martiaux, typiquement indus, et les claviers imposent encore ce style volontairement décadent, dont les cuivres et les chœurs nous renvoient immédiatement aux marches patriotiques. Milan Fras abandonne le slovène au profit de l'anglais et de l'allemand, sans pourtant renier le chant rauque des albums précédents. Bien au contraire, on frôle presque la caricature.

LAIBACH revisite ici plusieurs morceaux. Le hit des hits de l'année 1984 tout d'abord, le célèbre "Live is Life" du groupe autrichien OPUS, avec les impressionnantes "Leben heißt Leben" et "Opus Dei". Une première piste chantée en allemand, lourde et brutale, la seconde en anglais, plus tranchante et emphatique. Dans le même genre, les Slovènes détournent également "One Vision" de QUEEN, méconnaissable sur le classique "Geburt Einer Nation".
Dans un autre registre, la glorieuse et magnifique "The Great Seal" reprend le fameux discours de Churchill, concluant l'album par un prophétique we shall never surrender. Il ne faudrait cependant pas faire l'impasse sur les autres morceaux, en particulier les excellents "Leben-Tod" et "How the West Was Won", qui nous écrasent de toute leur masse métallique rouillée, ou encore "Trans-National", charge rutilante sabre au clair, piste la plus 'indus' du disque. Quant au brillant "F.I.A.T" enfin, il ralentit la cadence pour s'accorder un moment plus dramatique, aux arrangements très réussis. D'une voix froide, Milan Fras annonce la fin d'un monde et la victoire d'un autre.

Fallait-il y voir une anticipation de la chute du régime communiste en Yougoslavie, ou plus largement du bloc de l'Est ? C'est en tout cas l'idée que propose Éric Duboys dans son indispensable ouvrage Industrial Musics en 2009, qui voit dans Opus Dei une réflexion sur la décomposition progressive de la société yougoslave et la fin du multiculturalisme. Les standards du rock, musique contestataire par excellence, idéal de liberté et de paix, deviennent avec cet album des hymnes belliqueux et xénophobes. À titre d'exemple, "One Vision", dont les paroles ont été modifiées, se transforme en une sinistre cantate nationaliste. On peut cependant proposer une autre interprétation, celle d'une contestation de la domination culturelle de l'Occident, dont l'industrie du disque est l'un des relais. L'Europe entière chantera encore "Live is Life" et son refrain vide de sens pendant des décennies, comme autrefois des petits Allemands ou des petits Soviétiques répétaient sans les comprendre les slogans du parti au pouvoir. Avec brutalité, "Trans-National" annonce ainsi les valeurs du monde de demain. Nouvelles frontières, nouvelle culture, la même pour tous. Une hypocrisie que LAIBACH achève de souligner avec le magistral "How The West Was Won". Si ce titre reprend celui du long-métrage de 1962, les paroles nous renverraient plutôt au film Naissance d'une Nation de triste mémoire. De même, les collages de coups de feu et de clairons, conjugués à l'agressivité du morceau, nous rappelle que les nouveaux maîtres du monde, en l'occurrence les États-Unis, sont d'abord nés dans un immense bain de sang.

Opus Dei reste, à n'en pas douter, le chef-d'œuvre de LAIBACH qui ne fera jamais mieux. Un brûlot intemporel, provocateur, furieusement génial, dont on aurait tort de sous-estimer le propos autant que l'efficacité encore aujourd'hui.
Dernière note avant de conclure, la présence de quatre morceaux issus de Krst Pod Triglavom – Baptism sur la version CD de l'album ("Herz-Felde", "Jägerspiel", "Koža" et "Krst"), tous excellents, mais pas forcément indispensables à l'œuvre originale.

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- Milan Fras (chant)
- Dejan Knez (batterie, claviers)
- Ervin Markošek (batterie, claviers)
- Ivan Novak (conception, paroles)


1. Leben Heißt Leben
2. Geburt Einer Nation
3. Leben-tod
4. F.i.a.t.
5. Opus Dei
6. Trans-national
7. How The West Was Won
8. The Great Seal
9. Herz-felde
10. Jägerspiel
11. Koža (skin)
12. Krst(baptism)



             



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