L'Alliance est déterminée à sauvegarder la liberté, l'héritage commun et la civilisation. Elle est résolue à unir ses efforts pour une défense commune et chercher à promouvoir la stabilité, la sécurité et le bien-être dans la région de l'Atlantique-Nord.

Cette déclaration de l'OTAN, gravée dans le marbre, devait amèrement faire sourire dans les Balkans en 1994. À croire que les pays de l'ex-Yougoslavie n'avaient pas le droit d'intégrer le club. Pour rappel, l'OTAN n'agira que tardivement aux atrocités commises en Bosnie, se contentant jusqu'en septembre 1995 d'une mission de blocus aérien et naval. En réaction, LAIBACH et les autres membres du Neue Slowenische Kunst avaient, au lendemain de l'indépendance slovène, déclaré la création d'un nouvel État baptisé 'NSK State'. Sans frontière ni territoire ni gouvernement, cet État n'a cependant rien d'une micro nation virtuelle. Disposant d'un drapeau, d'un passeport, d'un système de poste, de timbres et même d'ambassades officielles, le NSK State se veut ouvert à toutes et tous, sorte d'État-refuge reprenant l'idée du non-alignement notamment prôné par Tito. Pour la petite histoire, le passeport du NSK State aurait permis à des centaines de Bosniaques de fuir la ville de Sarajevo en 1994, alors assiégée par les forces serbes.

De son côté, LAIBACH sort NATO en octobre 1994, son quatrième album chez Mute Records. À l'instar de Let it Be, ce dernier n'est composé que de covers. Ces derniers ont en commun d'avoir plus ou moins pour thème la guerre, notamment sur "Mars, The Bringe of War" de Gustav HOLD, "In The Army Now" de STATUS QUO et "Dogs of War" de PINK FLOYD. Autre classique, "The Final Countdown", repris à EUROPE, peut être compris comme un appel à l'aide. Le compte à rebours final est enclenché, les Balkans ne seront bientôt plus qu'un champ de ruines. Il y a aussi quelques références plus obscures, en particulier "Mars on River Drina", inspirée par un chant patriotique serbe composé durant la Première Guerre Mondiale. Avec "War" des TEMPTATIONS, dont les Slovènes ont habilement modifié quelques paroles, la critique se porte sur l'hypocrisie du système capitaliste et des grandes multinationales, dont la guerre rapporte autant sinon plus que la paix : War ! What is it good for ? GM, IBM, Newsweek, CNN Universal European ITV, VCR. "Alle Gegen Alle" est un hommage à D.A.F. et son tube fasciste parodique, dont le mauvais esprit a sans doute beaucoup plu à LAIBACH à l'époque.

Malgré tout, NATO est un disque particulièrement décevant dans la carrière des Slovènes. Ces derniers s'essayent à nouveau à la musique électronique, de manière cependant beaucoup plus dansante, ne conservant guère que quelques cuivres. Ces covers paraissent au mieux insipides, le plus souvent assez pénibles à écouter. Sophistiqué, mais incroyablement fade et apathique. Pour ne rien arranger, le groupe abuse de chœurs féminins absolument insupportables, tandis que Milan Fras continue de déclamer comme si de rien n'était. Certains morceaux, à l'image de "Final Countdown" et "2525", sonnent évidemment comme des caricatures volontaires. LAIBACH moque en un sens le mouvement techno : peu importe les paroles, pourvu que le rythme soit présent. Ce n'est pas très gentil, et de surcroît assez laborieux.

Hormis peut-être "Mars, The Bringer of War" et l'excellent "Alle Gegen Alle", qui devient un des classiques du groupe, NATO est ainsi une grande déception. Si le propos est comme souvent très intéressant, la musique, elle, ne l'est pas du tout. En résumé, on tient sans doute ici l'un des plus mauvais albums de LAIBACH. Ce qui ne l'empêche pas de partir en tournée dans toute l'Europe, achevée par deux mémorables concerts à Sarajevo au lendemain du départ des troupes serbes.