La première moitié des années 2000 est plutôt tranquille pour Gilles SERVAT, question activité. La fin du contrat avec Columbia/Sony Music retarde l'éventualité d'une nouvelle publication. Sous le Ciel de Cuivre et d'Eau, édité par Coop Breizh, reste le seul album de l'artiste sur une période de dix ans.

Par opposition aux deux efforts précédents, le temps des superproductions est bien terminé. Le nombre de participants est ramené à un effectif limité, le bagad est moins présent, on revient donc à une empreinte plus intime. Mais ce qui est remarquable, c'est le son : très spatial auparavant, il est ici nettement plus feutré. Il faut tendre l'oreille pour entendre certains détails, la batterie par exemple est moins mise en avant.

En outre, le sentiment d'un album à couleur jazz n'est pas incongru. Grâce à la batterie bien sûr, au swing dégagé par certaines chansons, et à la présence de certains instrumentistes comme le «saxonneur» (sax-sonneur) Jean-Louis Le Vallégant sur «Dansez la Gavotenn», une des rares chansons entraînantes proposées. «L'Amour Que tu Donnes» utilise les mêmes tons musicaux en étant garnie d'un superbe solo de guitare classique. On note aussi quelques percussions exotiques sur «Rianxeira».

Avec un pareil nom de disque, difficile de manquer une nouvelle déclaration d'amour à la Celtie, et particulièrement la Bretagne. À commencer par «Bugaleaj Nevez» dédié aux écoles Diwan et aux classes bilingues en général. La jolie voix de Nolwenn Korbell (l'un des plus beaux espoirs bretons féminins des années 2000) apparaît sur les refrains. C'est également le cas pour la chanson «Kenavo d'an Naoned» dont le texte de SERVAT accompagne une musique que Shawn Davey avait écrite pour un spectacle donné au Festival Interceltique de Lorient.

«Bleuenn», que le chanteur a écrit pour sa fille, relie le breton au français d'une manière fort touchante. «Sous le Soleil de Cuivre et d'Eau» a été écrit en entendant le bassiste Eoghan O'Neill jouer une mélodie à la guitare. SERVAT dit adorer ce genre de texte anonyme où le désespoir est mesuré, presque humoristique. «Sur la Montagne de Brasparzh» s'inspire du marais de Yeun Ellez, réputé pour être l'une des portes vers l'Autre Monde, où toutes les merveilles sont possibles.

SERVAT pousse plus au sud et rend hommage à la Galice avec l'hymne «Rianxeira», chanté dans la langue du pays et de manière très conviviale avec les choeurs et le bagad. Plus surprenant dans cet album paisible reste «Phare de l'Île Vierge», écrit pour le centenaire de ce bâtiment, car il s'agit d'un mélange de rythme reggaeton et de rock, permettant aux guitares électriques du bouillant Pat O'May de s'amuser à leur gré.

Le sommet est atteint sur l'épique «Général des Binious», étiré sur plus de six minutes. Dédié au maître-sonneur Polig Monjarret, l'arrangement ambitieux mêle des moments d'une extrême douceur et des envolées de bagad, des parties chantées, d'autres récitées, et des parties instrumentales superbes dont le clou reste la présence des frères Quéfféléant aux harpes pour la première fois depuis dix ans. Ceux-ci concluent d'ailleurs en interprétant la célèbre ballade vannetaise «An Hini a Garan», note langoureuse et magistrale.

Malgré toutes ces qualités, Sous le Ciel de Cuivre et d'Eau est légèrement moins marquant que ses prédécesseurs. En attendant le suivant...