Gilles SERVAT nous a quelque peu délaissés pendant plus d'un an, un retranchement qui lui a en réalité permis de se consacrer à l'écriture de son roman de science-fiction. L'or et le cuivre nous est présenté comme étant réalisé dans le but de faire patienter le public. En voyant la pochette, une question s'impose : l'artiste aurait-il décidé de se faire plus "rose" ? Il disait sur son disque précédent "chantez la vie, l'amour et la mort" en s'adressant au public, mais reconnait n'avoir jamais chanté lui-même l'amour, celui qui fait fusionner deux êtres.

Il va ainsi lui consacrer une face entière, trois chansons s'étendant sur plus de cinq minutes chacune. La première dépeint cet amour en lui donnant ses couleurs autant réalistes que poétiques. Le titre s'explique par ces "menottes de cuivre qu'on prend pour des bracelets d'or". "Les embrasser" et "Mon amour de fin d'été" sont de véritables déclarations, plus ou moins directes dans le sens où l'artiste utilise le vouvoiement pour la première (rappelant facilement une forme de poésie courtoise et ancienne) et le tutoiement dans la seconde. Une progression en filigrane sur l'ensemble de ces trois chansons, laisse imaginer un amour de plus en plus rapproché, pur. On avait connu Gilles SERVAT tendre mais pas à ce point-là.

La seconde face renoue en revanche avec le cuivre hors amour, avec quelques dénonciations comme celles auxquelles l'artiste nous a habitués. "Pouvoir" s'adresse aux dictateurs et en particulier celui du Nicaragua, retrouvant l'emploi de mots et d'images crues tranchant avec l'élégance des trois premières chansons. "Atome Sweet Atome" mentionne acerbement la prolifération des centrales nucléaires. Le cocasse "Propos Séditieux" trouve son origine à la suite d'un concert donné par l'artiste breton dans la ville de Moulins, le maire ayant écrit aux organisateurs de la salle que SERVAT tenait un propos séditieux dans ses chansons et méritait d'être rappelé à l'ordre. Ce dernier, on s'en doute, lui rend la monnaie de sa pièce avec cocasserie. "Etrange Douceur" est important car c'est un poème romantique de René-Guy Cadou qu'il dédie à sa mère et qui annonce le thème du prochain album, avec une réussite inédite.

La circonspection est néanmoins de mise avec cette seconde face plus commune, téléphonée. Les textes revêtent parfois un goût de premier degré trop présent (“Pouvoir”). Les arrangements de Daniel Potet, reprenant le rôle de Michel Devy dans une inspiration variété française mais sans l'audace, servent plutôt idéalement la partie “amour” du disque par leur légèreté. En revanche, le tango lent de "Pouvoir" avec son solo de guitare électrique dévastateur, ou l'unique clin d'oeil aux racines bretonnes (chanson à boire) sur "Propos Séditieux" ne se retiendront guère et renforceront le sentiment d'un travail réalisé un peu vite. Les musiciens ne sont une nouvelle fois pas crédités, malgré une affluence de timbres splendides, cordes, hautbois et toutes les formes de pianos en vogue, de l'acoustique au Fender Rhodes en passant par le Yamaha CP-70.

Par ailleurs, il s'agit de la première oeuvre de Gilles SERVAT entièrement écrite en français, ce qui ne manquera pas de faire ronchonner certains bretonnants, de même que le parti-pris musical, plus que d'habitude. L'impression globale reste donc en demi-teinte malgré une jolie première face.