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The CURE - Disintegration (1989)
Par RICHARD le 5 Février 2020          Consultée 7182 fois

"Disintegration Is The Best Album Ever !" Ce cri du cœur, c'est le petit canaillou de Kyle, l'un des héros de SOUTH PARK qui le pousse lorsque, dans un épisode haut en couleur, son idole Robert Smith s'en va après avoir sauvé la terre de la démoniaque MECHA-STREISAND. Cette simple anecdote est somme toute révélatrice de l'importance que revêt désormais dans la culture populaire le leader des CURE. En effet, il ne faut pas être nécessairement un fin limier façon SHERLOCK-CUMBERBATCH pour se rendre compte que le superbe et émouvant EDWARD de BURTON, les pages les plus noires de l'auteur underground américain POPPY Z BRITE ou les dessins tranchants du comics THE CROW sont subtilement imprégnés du monde de l'Anglais. Le huitième album des banlieusards londoniens n'est pas en reste, lui non plus. En effet, à ce jour, il est considéré par la plupart des fans et des critiques comme le dernier grand album du groupe. Dit ainsi, il y a de quoi être surpris. Cela ferait donc plus de trente ans que le groupe n'a donc rien sorti de palpitant, d'excitant ? Les choses ne sont pas aussi simples. Les années futures parleront d'elles-même. Smith, quant à lui, en filou qu'il est, n'en a cure. En effet, après deux albums ouvertement pop, le voici qui nous refait le coup du spleen. Cette fois-ci, ce sera celui agitant le tout jeune trentenaire.

Pourtant, sur le papier à musique, Smith a tout pour être heureux. Depuis 1985, son projet artistique connaît un succès mondial massif et sur le plan personnel, il s'est marié avec Mary, son amour de toujours, scellant ainsi une union des plus romantiques. C'est pour le côté HARLEQUIN, tout un monde d'évasion. L'autre face est beaucoup plus noire et chaotique. Il vire sans aucun ménagement son ami d'enfance et cofondateur du groupe Laurence Tolhurst qui ne remonte plus à la surface, perdu qu'il est dans les vapeurs de l'alcool. L'autocrate leader le créditera d'un bien cruel «autres instruments» pour sa participation évanescente aux sessions d’enregistrement. Bob reprend du LSD, en veut à la terre entière, se coupe du monde, se la joue je suis le mal aimé, mais pas trop, clamant à qui veut l'entendre qu'il est un rescapé inespéré de ses excès en tout genre. Il n'obtiendra pas de ticket pour le légendaire Club Rock des disparus à 27 ans mais son moral est au plus bas. Cette situation est pourtant pour lui synonyme d'intense créativité artistique, le plus souvent marquante.

Smith, qui est souvent malin et parfois un brin opportuniste, nous présente cet album comme un retour aux sources,le prolongement naturel de sa cultissime Trilogie glacée (1980-1982). Ce n'est pas totalement faux si on regarde les thèmes abordés. Il revient à ses premières amours: la tristesse, la mort, les espoirs déçus, la douleur (liste à compléter). Dans cette posture de poète maudit et romantique, il n'oubliera pas cependant d'extraire quatre singles de l'album pour adoucir sa misanthropie et surtout pour ne pas qu'on l'oublie. Disintegration est perçu le plus souvent comme un bloc musical et émotionnel. Selon la place du curseur, ce sera sa force ou sa faiblesse. J'ai découvert cet album à sa sortie à 12 ans. Je fus naturellement frappé par ces ambiances pesantes et en même temps pas du tout rebutantes. C'était il y a trente ans. Même si ceci n'est pas facile à défendre au sein de la communauté curiste, le temps pour moi a apporté une patine d'ennui à la plupart des titres. On n'est évidemment pas dans la tête de son brillant leader, et c'est purement subjectif, mais cette fois-ci, les CURE ne sont pas totalement crédibles dans le spleen (post) adolescent.

C'est d'autant plus désagréable à dire que Disintegration contient des morceaux qui sont sans conteste parmi les plus beaux du répertoire des Anglais. L'introductif "Plainsong" que l'on retrouvera aussi bien au cinéma chez Marie-Antoinette de Sofia COPPOLA que chez le super-héros ANT-MAN est une merveille. Grâce au travail du claviériste O'Donnell, l'auditeur se retrouve placé au centre d'une véritable cathédrale sonore. Perdue dans les échos et soutenue par de cristallins arpèges de guitare, la voix de Smith comme exténuée, à peine audible, émerge pour nous parler de fin du monde et de vieillesse. Emotions garanties (souvenirs magiques de la première écoute) et entrée magistrale. Smith délivre ensuite avec le long et mélancolique "Pictures Of You" un modèle de chanson pop et romantique. Ce son de guitare qui n'appartient qu'à lui deviendra également l'une des principales matrices du courant dream pop. La montée progressive des claviers suit parfaitement celle des émotions, et inversement. Les mots sont beaux et agitent facilement notre cœur de grand sensible. Les CURE atteignent ici un état de douce tristesse qui ne sera jamais aussi bien exposé que sur "Untitled". Ce titre superbe fait de la lassitude un sentiment qui devient paradoxalement agréable, réconfortant. Smith ici étire encore comme au maximum ses notes qui semblent littéralement flotter dans un espace ouaté. A ces trois chansons particulièrement réussies pourra se joindre le puissant et dynamique morceau éponyme. Sur la basse métronomique de Gallup, Smith nous crache au visage épuisé là encore toute sa haine du genre humaine. Il y a une sensation de vertige qui naît de ces huit minutes fiévreuses que rien ne viendra diminuer. "How The End Always Is" comme il le répète à l'envie. Oui, pour les réjouissances, c'est certain, il faudra attendre encore.

On tient ici un carré or. Le reste sera affaire de goût, sans doute. On sera d'accord néanmoins pour dire que les ambiances développées sur Disintegration sont bien monolithiques. Ce n'est évidemment pas un défaut, loin de là. Sur Seventeen Seconds et Faith, la monotonie des paysages sonores mettait l'auditeur face à lui-même. Avec les chansons restantes de cet album, il n'y aura pas cette fois-ci d'introspection salvatrice. Juste l'ennui qui pointe le bout froid de son nez. Promis à un suicide commercial selon la maison disque, la galette offrira cependant deux des morceaux les plus populaire des Anglais. "Lovesong", tout d'abord. Trois minutes de déclaration pop amoureuse composée par le leader pour Mary en guise de cadeau de mariage. C'est naïf, touchant, mais sans plus. "Lullaby" ensuite souffre simplement quant à lui d'avoir été trop entendu. Ce morceau cauchemardesque est pourtant réussi à l'image du clip façon expressionnisme allemand. Les notes de claviers semblent se calquer sur la marche lente de l'homme araignée et la voix de Smith haletant n'en est alors que plus effrayante. On saute parfois à pieds joints facilement dans ces espaces atypiques. Malheureusement, je n'en dirai pas autant des très ennuyeux "Closedown" et "The Last Dance". Sur des rythmes lents et linéaires, Robert égrène son chapelet du parfait dépressif trentenaire. La leçon est bien apprise mais la conviction semble, elle, absente. Aux premières écoutes, ça peut prendre, mais à la longue, la solennité conférée par les claviers grandiloquents lasse. Cette langueur travaillée atteint sans conteste son point d'orgue avec "Homesick" et l'interminable "The Same Deep Water As You". Du premier, on pourra retenir que cette complainte larmoyante au piano est un excellent test de résistance au sommeil. Ses sept minutes sont nerveusement crispantes. Le groupe fait du surplace. Si Smith y voit la continuation de son triptyque du début de décennie, qu'il s'inspire dans ce cas des neurasthéniques et réussis "In Your House" ou "All Cats Are Grey". Du second, malgré cette ambiance pluvieuse digne d'un dimanche après-midi hivernal relativement prenante, on s'assurera que la recette ne prend pas ou ne prend plus. C'est la mâchoire qui risque l'épuisement tant les bâillements seront nombreux à l'écoute de ces instants soporifiques.

Disintegration n'est assurément pas digne du culte qui lui est voué. Souvent long et ennuyeux, il ne se prend pas de carton rouge car il propose quand même des titres qui sont parmi les plus remarquables des Anglais. Merci donc Kyle de ne pas te venger ni de m'insulter. Il y a aisément bien plus convaincant comme album dans la discographie singulière des CURE que ces noces funèbres en carton-pâte.

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- Robert Smith. (chant, guitare, claviers)
- Simon Gallup (basse, claviers)
- Porl Thompson (guitare)
- Boris Williams (batterie)
- Roger O'Donnell (claviers)
- Laurence Tolhurst. (autres instruments)


1. Plainsong
2. Pictures Of You
3. Closedown
4. Lovesong
5. Last Dance
6. Lullaby
7. Fascination Street
8. Prayers For Rain
9. The Same Deep Water As You
10. Disintegration
11. Homesick
12. Untitled



             



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