La sortie de cet album n'aurait sans doute pas eu lieu si Lou Reed avait eu son mot à dire. Mais dans les années 70 (nous parlons du XXème siècle), les maisons de disques régnaient en maîtres sur leurs écuries respectives. Ce concert est donc une initiative purement commerciale et n'est composé que de morceaux non édités de la tournée « Rock'n'Roll Animal ». Lou Reed a sorti un disque depuis ? Qu'importe ! Il s'agit de surfer sur le succès du blondinet à lunettes noires et ongles peints.

« Rock'n'Roll Animal » a pu faire l'effet d'une bombe. Il était novateur par les arrangements choisis, à mille lieux des albums précédents, et par la tension qui s'en dégageait. Il avait son introduction, son développement, sa fin. Quoiqu'un peut court (une quarantaine de minutes, même pour le Lou Reed de l'époque, c'est peu), il reste un honnête témoignage.
Dans ce numéro bis, on retrouve avec 6 morceaux dans la même veine, mais dont on ne comprend pas l'enchaînement.
Une réédition de « Rock'n'Roll Animal », plus complète, aurait pu avoir du sens*. Mais là, tous les morceaux paraissent isolés les uns des autres.

Bien sûr, le groupe est excellent et d'autant plus si l'on aime les guitaristes. Wagner et Hunter** sont extravertis mais précis, bref brillants. C'est dans « Oh Jim » qu'ils lâchent les chiens.

Quant à Lou Reed, eh bien... Profitons-en pour dire quelques mots sur ses prestations en concert. Il les aimait sans doute et en a beaucoup publiés. Une dizaine à ce jour, soit environ un tiers de sa discographie. C'est beaucoup. Sans doute trop.
La plupart des albums Live de Lou Reed sont dans la droite lignée du concert de rock standard : il y joue les mêmes morceaux qu'en studio. Passe encore lorsque les arrangements changent, mais sinon, quel intérêt ? Et que faire de toutes ces versions de « Sweet Jane » ?
A ceci s'ajoute une particularité de Lou Reed : une tendance à saboter ses propres chansons, notamment parce qu'en grand admirateur de musique Soul, il improvise et harmonise... Et là, franchement, c'est nul. Il n'a pas la voix assez assurée, et n'est pas assez bon musicien. Il suffit d'écouter le massacre perpétré sur « Walk On The Wild Side » pour s'en rendre compte ! Il avale la moitié des syllabes, et surtout... Il chante !
A l'opposé de sa diction nonchalante, enregistrée au plus près du microphone, lorsqu'il est en studio, il est agressif, et ses pseudo-improvisations passent mal, sa voix n'étant pas assez assurée pour les assumer. Le talk-over, qu'il explorera toujours davantage au fil des ans, sera sa force. Cela nous permettra de l'écouter nous raconter ses histoires sordides. De l'écouter vraiment.
Bon, ceci dit, l'album n'est pas désagréable. Il ressemble à un best-of, principalement basé sur « Transformer » et « Berlin ». « I'm Waiting For The Man » est la seule exception.
Mais qu'en dire qui ne l'ait déjà été sur « Rock'n'Roll Animal » ?

Allez, un petit plaisir tout de même : « Sad Song », plutôt bien troussée, même si elle sent très fort les overdubs au niveau des voix. Très bon exemple de la précision du groupe, et ce d'autant plus que Lou Reed est, disons, sobre.
Le reste, même si Lou Reed n'a pas à en rougir, on peut s'en passer. Jusqu'à ce qu'un remixage intégral du concert soit publié.


*La version remasterisée sortie en 2000 comprendra également « Caroline Says » et « How Do You Think It Feels ». Mais pas les morceaux de « Lou Reed Live ». Dommage.
**Pour les aficionados : selon Wikipédia, le mixage est différent de « Rock'n'Roll Animal ». Dick Wagner serait à gauche, Steve Hunter à droite. L'inverse, donc. Je vous laisse juges.