Nous avons laissé Lou REED dans une ornière. Legendary Hearts et New Sensations, ses précédents disques, sont les les pires de sa carrière. Mistrial est-il mieux ? Difficile de trancher. Ou plutôt, cela dépend des jours. S’il est évident que ces trois albums forment un triptyque de la nullité, on peut tout de même, avec beaucoup de bonne volonté, essayer de différentier Mistrial de ses prédécesseurs.

Il faut tout de même s’armer de courage pour affronter la musique de Mistrial. Pour le coup, elle est pire que celle de New Sensations. Question d’arrangements, et de son. Si certains lecteurs ont eu le courage de lire d’autres chroniques, ils savent que je n’aime pas, mais alors pas du tout, le son de la pop des années 80. On est ici en plein dedans : guitares criardes, slaps de basse outranciers, fades synthétiseurs, batterie et boîte à rythme sans âme, le tout compressé à l’excès, sans aucune nuance ni dynamique, et sans fréquences basses. Du médium, du médium, et encore du médium ! C’est l’époque de la main-mise des radios FM sur les maisons de disques et les ingénieurs du son. Une catastrophe pour qui aime qu’une grosse caisse sonne comme une grosse caisse et un biniou comme un biniou. Les radios vont ainsi formater le son, et le formatent encore, même si certains excès semblent révolus. On leur doit tout de même le fait qu’une musique de bien piètre qualité sonore soit aujourd’hui la norme. Les fabricants de Mp3 et consorts n’auraient sans doute jamais fait fortune si nos oreilles n’avaient pas été agressées pendant des années par un son particulièrement pauvre et, je le redis, beaucoup trop compressé.

Terrible musique, donc. Et les textes ? C’est là que notre jugement peut être plus difficile à former. Certains sont tout de même meilleurs que ceux de New Sensations. Dans « Mistrial » - la chanson – Lou REED règle des comptes avec son image publique (sexe, drogues, rock’n roll). Ce n’est pas très bon, mais cela passe. « Video Violence », malgré son refrain guère convaincant fait renouer Lou REED avec sa description de vies au bord du gouffre. Si cette chanson n’a pas la profondeur et la beauté sombre de celles des années 70, il y a tout de même quelque chose. « The Original Wrapper » - la seule chanson que Lou REED reprendra des années plus tard sur scène – annonce l’album New-York, par sa description du monde à travers la télévision, mais également par le phrasé de Lou REED, qui maîtrise désormais parfaitement le talk-over. Enfin, « Mama’s Got A lover » est à la fois touchante et drôle. Et pour le coup, cela ferait une excellent chanson sans son riff de guitare, répétitif et lourdingue.

Cet album est une charnière de plus dans l’œuvre de Lou REED. S’il est toujours ancré dans la pop de l’époque, il montre tout de même quelques signes de vie. Lou palpite encore ! Il lui faudra quelques années pour écrire New-York, qui reste la pierre angulaire d’un vrai nouveau départ dans sa carrière, qui en a déjà connu beaucoup ! Même si ce disque est tout à fait insupportable au niveau de la musique, l’aficionado – dont je reste, même quand je dis du mal – peut se prendre à espérer. Mistrial n’est pas le bout du tunnel, mais on commence tout de même à apercevoir une petite lumière. Faiblarde, tremblotante, mais on revient de tellement loin que cela réchauffe un peu. Allez, va pour un 2.