Déjà le 5ème disque Live de Lou REED. Après 26 ans de carrière solo, ce n'est pas tant que ça. Lou REED, s'il a produit quelques albums médiocres, n'a jamais sombré dans la facilité que nous constatons aujourd'hui chez beaucoup de musiciens ayant connu leur heure de gloire dans les années 70, et qui sortent des concerts à la pelle, la plupart sans intérêt, mais que voulez-vous, il faut bien vivre.

Pas de facilité, donc, mais une tentative de proposer quelque chose d'un peu différent. Nous sommes ici très loin des excès de Rock'N Roll Animal puisqu'il s'agit d'un concert acoustique. Bon, c'était certes la mode dans les années 90, et tout le monde se devait de sortir son «Unplugged », suite au succès de l'émission de MTV. Si l'idée n'était pas mauvaise, elle n'a pas produit que des chefs-d’œuvre, loin de là. Car le rock est tout de même affaire de gros son, et passer la rampe de l'acoustique nécessite non seulement de bonnes chansons, mais également des musiciens ayant un bon niveau technique, qui fait hélas souvent défaut à ce type de formation.

Lou REED n'a jamais été un très bon musicien. Assez piètre guitariste, bon chanteur mais sans grande voix, il a souvent massacré ses propres chansons en concert, notamment lorsqu'il s'essayait à chanter en dehors des clous, improvisant à côté du temps et de la note juste. En revanche, la sobriété qui lui est venue avec la maturité lui sied merveilleusement bien. Sa voix posée et sa maîtrise du talk-over permettent de (re)découvrir ses textes. Il est de plus merveilleusement accompagné : Mike RATHKE à la guitare, Fernando SAUNDERS à la basse, et l'incroyable Tony « Thunder » SMITH à la batterie. Pour l'anecdote, il s'agit bien du batteur ayant accompagné Serge GAINSBOURG au Casino de Paris, puis au Zénith.

Excellent groupe, donc, et un Lou REED plutôt subtil. Le disque en devient parfois très bon, à défaut d'être grand, et mérite largement d'être écouté. De plus, le choix des titres renouvelle largement le fond habituellement joué sur scène : Pas de « Sweet Jane », ni de «Walk On The Wild Side» ou de "Heroin". Lou REED commence avec une belle interprétation de « I'll Be You Mirror » et continue à travers Transformer, Berlin, ou New-York, mais plutôt côté faces B. Il y a même quelques inédits, notamment issus de la pièce « Time Rocker », écrite avec Robert Wilson. J'ai vu ce spectacle à l'Odéon, à l'époque, et il ne m'a laissé aucun souvenir. Etant donné le peu d'attrait que j'ai pour Robert Wilson, c'est sans doute normal. En revanche, les titres « Talking Book » et « Into The Divine » , qui en sont extraits, tiennent plutôt bien la route. « Why Do You Talk », également inédite, est pas mal du tout.

Alors bien sûr, ce Live a le défaut de tous les Lives. En dehors des quelques titres mentionnés, il peut sembler attendu. Mais l'excellence du groupe, les arrangements dépouillés, la sobriété de l’interprétation de Lou REED en font un bon album. Et puis réentendre des titres aussi étonnants que « The Kids », chanson sur une mère à qui l'on retire ses enfants, est formidable.

S'il fallait isoler deux Lives de Lou, je mettrais sans doute celui-ci juste après Take No Prisoners, ne serait-ce que parce-que ces deux concerts montrent bien les deux extrémités du bonhomme : le rock sous speed et déjanté d'un côté, la sobriété habitée de l'autre.