Ce n’est rien de dire qu’en 1983 la lutte était acharnée pour capter l’attention des fans de Hard & Heavy étourdis par les chef-d’œuvres qui se succédaient à un rythme jamais vu et pour toujours inégalé. KISS avait su revenir dans la course avec le superbe Creatures Of The Night, et devait à tout prix enfoncer le clou avec son nouvel opus. Pour mieux capter l’attention, l’abandon du maquillage s’est avéré une bonne idée, même si cela a contribué à terme à banaliser les New-Yorkais parmi la meute croissante de la scène Glam-Rock (d’où l’inéluctable retour au look historique 13 ans plus tard).
Lick It Up est donc sorti avec une belle pression sur les solides épaules de nos gaillards : confirmer l’embellie, faire repartir la courbe des ventes, attirer de nouveaux fans sans perdre les anciens à peine récupérés et imposer le nouveau Line-Up marqué par la titularisation de Vinnie Vincent à la place de Ace Frehley plus intéressé par le fond de ses bouteilles que par l’avenir du groupe.
Pour toutes ces raisons, l’album, s’il est loin d’être mauvais, ne tient pas les promesses de son prédécesseur. A noter que Paul et Gene reprennent le contrôle des compos, aidés cette fois par Vinnie Vincent sur 8 des 10 titres.

"Exciter" est une bonne entrée en matière bien pêchue avec un riff qui ressemble pas mal à celui de "Creatures Of The Night" et un bon solo, alors que "Not For The Innocent" poursuit dans une veine correcte avec notamment un bon riff et un chant engagé de Gene.
Au rayon des réussites, selon les goûts de chacun, "Lick It Up" est un titre FM ultime dans son genre (qu’on aime ou pas) alors que "All Hell’s Breaking Loose", le second single, est de mon point de vue bien meilleur avec une partie scandée autant que chantée de Paul très réussie, un pré-refrain imparable, un solo bien fichu et une superbe performance de la section rythmique. J’aime aussi beaucoup la sauvage et heavy "Young And Wasted" où Gene s’écorche bien les cordes vocales et Eric Carr martèle joliment ses fûts. Dans le même style, "Fits Like A Glove" est pas mal mais moins réussie, de même que le "Gimme More" de Paul plutôt bon mais assez prévisible. « "A million To One" est sympa quand on aime le style FM de l’époque, alors que les deux derniers titres de Gene "Dance All Over your Face" et "And On The 8th Day" passent à peu près mais manquent cruellement d’inspiration.

A l’écoute de ce disque, et malgré les apports réels de Eric Carr et Vinnie Vincent (qui est bon certes, mais ce n’est pas non plus Malmsteen ou Rhoads), on se dit que ce disque est solide, mais aurait pu (du ?) être encore meilleur, même si commercialement il a plutôt bien marché. Trop de directions, et peut être trop d’enjeu, ont probablement bridé l’inspiration des Américains qui auront bien du mal à relever artistiquement la tête les années suivantes, s’enfonçant peu à peu dans des productions de plus en plus banales et médiocres.