Qu'il est difficile de parler d'un tel album. S'il est compréhensible qu'Anthony Banks et Michael Rutherford aient eu l'envie de le sortir, même après le départ de Phil Collins, beaucoup d'amateurs du groupe trouvent le résultat bien décevant. C'est mon cas... à vrai dire, je suis plus triste que contrarié d'entendre ce Calling All Stations. Passé le début correct, il ne génère en moi que de l'ennui à chaque fois que je le ressors en espérant qu'enfin il me plaira, mais le miracle de ...and then there were three... ne veut pas se reproduire.

Que peut-on dire à propos de ce disque ? Banks et Rutherford ont pris le même parti que dans We can't dance, en écrivant un long album, lent et sombre, et un peu progressif. L'absence de Phil Collins est évidente, qu'il s'agisse de la voix, de la batterie, ou tout simplement de la fantaisie qu'il apportait au groupe. Du caractère inquiétant de l'album précédent, on passe à quelque chose de vraiment sinistre. Le côté satirique a ici complètement disparu, plus encore que sur l'album sans titre. Dès lors, il est vraiment difficile de relier cette musique au reste de la carrière du groupe, surtout avec le chanteur Ray Wilson. Il se débrouille bien, mais sa voix rocailleuse ne me semble guère convenir à un registre aussi lent.

Parmi les onze chansons présentes ici, seules les deux premières, la chanson-titre et le single «Congo» me plaisent assez, de bout en bout. Dans ce qui suit, certains passages me parlent, mais ils sont rares. Le paradoxe, c'est que ce disque est par moments plus platement pop que ce qu'ils ont jamais fait. On est vraiment en droit de préférer les ballades habituelles avec Collins aux insipides «Shipwrecked» ou «Not about us». La tentative d'un numéro plus mordant avec «Small talk» tombe étrangement à plat. «Alien afternoon», «There must be some other way» et «One man's fool» sont plus intéressantes mais n'atteignent pas le standing des numéros progressifs des albums précédents. On peut encore signaler le bon refrain de «If that's what you need» ou les parties instrumentales de «The dividing line», deux chansons qui auraient mérité un meilleur traitement.

Ce dernier constat vaut peut-être pour tout l'album. Banks et Rutherford savent écrire des chansons, mais croyaient-ils vraiment à ce projet ? Je me pose vraiment la question de leur motivation profonde pour le sortir ainsi. Il aurait fallu s'abstenir ou prendre plus de temps pour le travailler, mais ceci semble du coup plus tenir d'une capitalisation sur le nom qu'autre chose. Enfin bon, il plaît à certaines personnes et il faut donc lui laisser le bénéfice du doute... encore un verdict «à vous de voir», en somme.