AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

Il est parfois difficile de classer les bandes originales de films dans les discographies, de surcroît dans une œuvre tentaculaire comme celle de VANGELIS, sachant que certaines peuvent être publiées sur le tard, voire être remaniées. Que ce soient de simples commandes alimentaires ou de véritables collaborations étroites entre cinéaste et musicien, le cas par cas finit par s’imposer, la plupart du temps. Je dirais, pour résumer, que cela dépend en majeure partie de la qualité intrinsèque de la musique et de la cohérence de la bande originale vis-à-vis des autres albums.

Sex Power n’est pas tout à fait la première bande originale de VANGELIS; il en a alors déjà composé quelques-unes pour des films grecs dans les années 1960, jamais publiées sur disque. Il s’agit cependant de la toute première parution solo de VANGELIS*.

La tracklist est présentée avec deux pistes sans titres de dix-sept minutes chacune, mais il s’agit d’un trompe-l’œil, comme pour les futurs albums Heaven And Hell, Ignacio et La Fête Sauvage.
Sex Power est composé d’une introduction et de dix parties. Plus précisément, la première face enchaîne la brève introduction bruitiste et cinq pistes très distinctes. La seconde face propose également cinq pistes, mais de durée très variable et s’enchaînant parfois. À quelques reprises sur la première face, nous entendons des bruits ambiants de la rue, à la fin de la partie cinq, ainsi que tout au long de la partie deux, où les bruits de motos sont artificiellement poussés de part et d’autre de la stéréo pour donner l’illusion d’une prise en pleine air.

Évacuons vite fait le problème du thème ternaire qui apparaît à cinq reprises et occupe tout de même presque une moitié de l’album. Je préfère les arrangements sobres à la guitare de la partie deux et au piano de la partie cinq et de la brève partie dix en conclusion, aux instrumentations dégoulinantes des parties quatre et huit, cette dernière étant plombée par une ligne électronique tout bonnement affreuse, qui sature et bouffe l’espace sonore, sans même parler des chœurs et de la réverbération, une horreur. C’est d’autant plus dommage que ce thème, bien que consensuel, n’est pas foncièrement mauvais et que le reste de l’album est fort appréciable, à commencer par le fameux thème principal, à la rythmique percutante et à la mélodie imparable. La partie trois n’en est d’ailleurs qu’un recyclage de la rythmique.

Cet album contient encore peu de vraie musique électronique (seulement quelques ligneS synthétiqueS, comme à la fin du thème principal), plutôt divers claviers, des piano, Fender Rhodes, orgue et Clavinet auxquels la réverbération donne un cachet inhabituel, et que nous trouverons en abondance pour quelques années encore.
Les percussions jouent également un rôle primordial, sur le thème principal mais aussi sur certains passages expérimentaux de la seconde face : la superbe partie six, et la longue improvisation non mélodique de la partie sept, comme on en trouvera par la suite dans Ignacio, Invisible Connections ou l’inédit "Georges Mathieu Ou La Fureur D’Être"**, dont la trame lâche s’étend sans interruption sur la partie huit – la pire, hélas. La partie neuf est un envoûtant agrégat d’orgue et de chant, floutés par des effets reverb et délai poussés à l’extrême.

Ce disque, loin d’être mauvais, reste plombé par ce fameux thème récurrent qui, paradoxalement, entrave la cohérence de l’ensemble. Il s’agit malgré tout d’un disque intéressant, à écouter pour l’histoire.

2 ¾ sur 5

*En fait, ce n’est pas tout à fait vrai. Il existe un 45-tours de 1968, distribué par le label grec Zodiac : "The Clock" / "Our Love Sleeps On The Water". Il s’agit de musique pop instrumentale, mêlant un petit orchestre de variété aux chœurs et à l’orgue réverbéré de VANGELIS (déjà!). Ce disque est tout à fait médiocre et n’intéressera pas grand monde.

**https://youtu.be/UocMuWxzSJk