La fin de la carrière de VANGELIS est un peu difficile à cerner mais, en y regardant attentivement, on arrive à la conclusion qu'Oceanic, publié en 1996, est son véritable dernier album studio. Ensuite, on trouve une réédition augmentée d'une édition limitée, El Greco, et une œuvre de 93 complétée en 2001, Mythodea, toutes deux fort orchestrales et axées sur la culture grecque, qui doivent plutôt être considérées comme classiques, très ambiantes et plus difficiles à apprécier que du pur new-age. On trouve aussi les deux dernières bandes originales, du film Alexandre d'Oliver Stone et de El Greco (dont la musique est différente de l'album). On peut vraiment considérer que c'est après Oceanic que VANGELIS a sombré alors qu'il était sur une bonne lancée en ce début des années 90, c'est très étrange, et c'est bien dommage de la part d'un compositeur de sa trempe.

Examinons de plus près cet Oceanic. Il faut déjà oser aller plus loin que la pochette qui semble annoncer une musique des plus kitsch. L'image est inspirée par les films américains avec nageuses des années 30 à 50, et en particulier par Esther Williams. Cependant, il ne faut pas s'y tromper, la musique est essentiellement du new-age gentil et aquatique, typique du travail de VANGELIS depuis The City, et nettement plus stable que l'étrange Voices. Le principal problème de l'album est son manque d'originalité, ce qui pourrait précisément être un argument expliquant le gel de sa carrière. Après tout, il vaut sans doute mieux s'arrêter quand on commence à tourner en rond plutôt qu'après dix albums lamentables. Lamentable, Oceanic ne l'est certainement pas. On y sent beaucoup de références à ses œuvres précédentes, surtout à 1492, une performance bien difficile à dépasser, et aussi à des albums plus anciens comme Soil Festivities, mais le plus important est que cette musique reste cohérente et agréable.

Le disque est constitué de six longs morceaux, un plus court, une intro et un intermède. L'intro "Bon Voyage" est presque aussi kitsch que la pochette, un syndrome semblable à celui de "Hymn" sur Opéra Sauvage, et l'intermède pianistique "Dreams of Surf" est anecdotique. Les vrais morceaux sont heureusement plus sérieux. Si on peut encore reprocher un certain mauvais goût au solo de guitare de "Spanish Harbour", ces plages sont toutes belles et délicates, et même agréablement rythmées. Ainsi, "Siren's Whispering" représente une belle progression par rapport au morceau "Voices" : les éléments world y sont mieux maîtrisés, et bien intégrés avec du chant lyrique et la panoplie électronique de VANGELIS, le tout soutenu par une légère percussion chaloupée. L'essentiel de l'album est à l'avenant, comme la mystérieuse et fragile "Islands of the Orient", la cristalline "Fields of Coral" ou encore la courte "Aquatic Dance" qui n'a rien à envier à l'album Direct. La fin est peut-être un peu moins convaincante, "Memories of Blue" n'a pas grand-chose à voir avec son équivalent vert, le résultat est plutôt poussif. On peut par contre apprécier "Song of the Seas", réminiscence du thème de Missing qui propose quand même un beau générique de fin.

On a parfois tendance à être un peu indulgent avec les derniers albums – quand ils ne sont pas trop mauvais – simplement parce que ce sont les derniers, qu'ils correspondent à la fois à une nostalgie et à une attente, et qu'on leur est un peu reconnaissant d'exister. La gentillesse d'Oceanic provoque un peu tout cela. La musique y est un peu déjà entendue, mais quand même pas si inutile, grâce à ce thème aquatique. Et puis, tout est relatif, ce disque est une merveille comparé à ce que faisait TANGERINE DREAM à la même époque dans un même registre new-age. Il n'y a donc aucune raison de le snober quand on s'intéresse aux années 90 de VANGELIS.