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MUSIQUE ÉLECTRONIQUE  |  B.O FILM/SERIE

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VANGELIS - Ignacio (1977)
Par AIGLE BLANC le 12 Septembre 2014          Consultée 3381 fois

AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

Ignacio demeure la Bande Originale de film la plus méconnue de VANGELIS. Composée en 1977 pour accompagner les images d'un film mexicain non moins obscur de François Reichenbach dont le titre français est : Entends-tu les chiens aboyer?
Il règne autour du film comme de sa musique un vrai mystère. Présenté à Cannes en sélection officielle, le film du documentariste français François Reichenbach n'a jamais eu les honneurs d'une distribution dans les salles françaises. Cela reste d'autant plus inexplicable que le cinéaste était à cette époque une personnalité assez connue dans le monde du cinéma, principalement du documentaire dont il s'était fait une spécialité en réalisant parmi d'autres des portraits de grands artistes (Arthur Rubinstein, Maurice Ravel et Maurice Béjart), mais aussi de chanteurs ou d'acteurs populaires (Sylvie Vartan, Johnny Haliday et Raymond Devos).
Grand amateur d'art latino-américain (une exposition permanente de sa collection est visible à Marseille à la Vieille Charité), il a aussi réalisé des documentaires sur le Folklore mexicain. Justement, son film Entends-tu les chiens aboyer? est l'adaptation d'une nouvelle du grand écrivain mexicain Juan Rulfo, nouvelle ultra-concise de 5 pages qui raconte l'histoire d'un vieil homme portant son jeune fils Ignacio blessé sur ses épaules et marchant dans le désert à la recherche d'un village où on pourra le soigner. Le récit épouse le caractère incantatoire d'un conte dont certaines phrases sont répétées comme une litanie. Et la phrase du titre est la question que le père pose plusieurs fois à son fils mourant qui, juché sur son dos, devrait avoir une vue meilleure du paysage devant eux et donc capable d'apercevoir en premier le village tant convoité dont les chiens aboyant annonceraient la proximité. Au cours du récit, on apprend que le père a renié son fils devenu un criminel et que s'il le porte blessé sur ses épaules, c'est uniquement en hommage à la mère défunte du jeune homme.
Si j'insiste autant sur la nouvelle et le film, c'est pour montrer qu'il s'agit d'un film oublié, inédit encore en France à ce jour et dont il n'existe aucune édition DVD à ma connaissance.

La B.O de VANGELIS est parue en 1977 dans plusieurs éditions portant des titres et des couvertures différents : parfois le disque porte le titre du film, d'autres fois uniquement le prénom du fils dans l'histoire, "Ignacio". De même, pas moins de quatre couvertures se livrent bataille selon l'édition retenue : soit elle propose un montage des images du film, soit un portrait de VANGELIS au travail dans son studio de Paris, soit la photo d'un oiseau aux larges ailes déployées sur fond de ciel nuageux (cette dernière est de loin la meilleure couverture). Dans la discographie du compositeur grec, Ignacio se cale entre Spiral (1977) et Beaubourg (1978). Mais, du point de vue musical, cette B.O offre une synthèse étrange entre la délicatesse poétique de L'Apocalypse Des Animaux et les recherches expérimentales de Beaubourg et d'Invisible Connections, soit entre la veine la plus classique de VANGELIS et sa part la plus avant-gardiste (la moins populaire par définition).
Bien que composé de plusieurs plages aux thèmes bien distincts, cet album n'est crédité dans sa version vinyle que de deux plages : "Entends-tu les chiens aboyer part 1" et Entends-tu les chiens aboyer, part 2", un peu comme Heaven and Hell, son opus de 1975, à la seule différence que Ignacio comporte beaucoup moins de thèmes.

La première face du vinyle, soit les 20 premières minutes de la version CD, propose la veine classique de VANGELIS. La mélodie introductive retrouve la douceur et la délicatesse de L'Apocalypse des Animaux : une ligne effilée de synthétiseur ponctuée de sons de cloche suspend un climat apaisant. Quand arrivent les premières notes du clavier, on sait que VANGELIS nous emporte dans sa veine la plus tendre et la plus poétique. Ignacio s'ouvre sur une mélodie d'environ 3 minutes dont l'émouvante beauté rejoint les meilleurs moments de L'Apocalypse... Le thème suivant, le plus long du disque (soit environ 15 minutes) évolue dans une tonalité mineure dont un choeur masculin entonnant une plainte (le disque n'ayant aucun crédit ne mentionne donc jamais la provenance dudit choeur : s'agit-il de vraies voix humaines ou d'un choeur synthétique?) souligne la triste solennité. L'ambiance est à la fois si éthérée et si douloureuse que la musique générée convoque des images de catastrophes naturelles (un déluge par exemple charriant toute la misère du monde). Cette complainte régulièrement poignardée par un accord de notes métalliques se charge alors d'une menace sourde qui alourdit encore davantage son atmosphère de fin du monde.
C'est alors que jaillissent des notes de clavier percussives, lointain écho d'un romantisme revu et corrigé par l'électronique. Le piano peu à peu finit par occuper tout l'espace sonore, faisant entrer la composition dans sa phase la plus classique tandis qu'une mélodie synthétique aux accents plaintifs rappelle les meilleurs moments de La Fête Sauvage (1975). L'originalité de cette partie consiste à constamment perturber la douceur de la mélodie centrale par des coups de caisse claire ou des roulements de tambours qui rappellent à l'auditeur la présence bien réelle du danger.
Le troisième mouvement de l'album, et qui clôt la première face du vinyle, voit le retour de la mélodie introductive, à deux variantes près : une digression impressionnante à l'orgue entraîne l'apparition poignante d'un choeur ajouté à la partition initiale pour synthétiseur solo, ce qui amplifie remarquablement le très beau thème d'ouverture.

La face 2 (d'une durée similaire) détonne complètement. En effet, la B.O de Ignacio est celle de VANGELIS qui opte pour les ruptures de ton les plus violentes.
Le troisième thème démarre au quart de tour sur un rythme endiablé où le synthé épouse le son saturé d'une guitare électrique (un peu comme aime à le faire parfois Mike OLDFIELD quand il veut sonner rock très dur). Le problème, c'est que cet erzatz de rock a bien vieilli et peut sembler ridicule à certains.
Le quatrième thème change encore de climat en amorçant un angle à 360 degrés : VANGELIS à présent nous plonge dans la musique concrète dont toute mélodie est proscrite, au profit d'un ballet sonore où s'entrechoquent des castagnettes très agressives, des frottements de tôles métalliques et des marimbas épidermiques. Le résultat, proche des travaux de Pierre HENRY, ne se veut pas doux à l'oreille, encore moins agréable. Mais l'ensemble demeure cohérent d'autant plus si l'on y plaque en transparence des images d'agressions canines, c'est réellement ce que m'évoque ce chaos sonore. Dans Invisible Connections (1985), VANGELIS retrouvera quelque peu ce style mais sans la même agressivité. Cela reste donc très atypique dans sa discographie.
Le dernier thème déploie une jolie mélodie mais trop proche d'une rengaine, ce qui en limite la portée et le rend assez crispant malheureusement. Quelle idée aussi de rythmer ce morceau avec une boîte à rythme qui sonne très "cheap"! Voilà une composition qui aurait pu donner un beau résultat avec les arrangements sophistiqués de VANGELIS comme ceux qu'il a signés dans Opéra Sauvage.

Ignacio est une B.O déconcertante, pour ne point dire déconstruite : les deux grandes parties qui la composent accusent un déséquilibre peu habituel chez le compositeur grec. C'est cette schizophrénie qui la rend si étrange en définitive. La première moitié est celle qui obtiendra sans difficulté le suffrage des admirateurs du maître car elle est digne de ses plus belles compositions, l'autre moitié partagera les auditeurs entre rejet radical et curiosité intéressée.

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2. Entends-tu Les Chiens Aboyer (part Two)



             



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