Michel DELPECH ne publie que des singles pendant la première moitié des années 80, moins qu'avant déjà (même pas un par an). C'est une période où il voyage beaucoup, où il rencontre aussi son salut en la personne de Geneviève, sa future et dernière épouse, spécialisée en ésotérisme elle aussi, ce qui les rapproche beaucoup.

"Bombay", publiée en 1981, est inspirée des voyages, puis "Animaux Animaux" (1983), plus cynique concernant la politique américaine-occidentale dans les pays du "Tiers-Monde", signe la fin de la collaboration avec Jean-Michel Rivat pour les textes, au bout de dix années. La face B de ce dernier titre se nomme "Photographe", co-écrit avec Pierre Grosz et mis en musique par Louis CHEDID, détail d'importance : on se rend compte combien le fils de la poétesse Andrée aurait pu la chanter lui-même, avec son caractère mélodique blues-crooner et nonchalant.

La séparation avec Rivat est bien marquée, et c'est un grand tournant puisque, l'année suivante, en 1984, DELPECH publie "Loin d'ici", son ultime effort discographique pour la maison de disques Barclay, intégrée en 1967. Avec la face B, "Club video (Play)", les musiques viennent toujours de Michel Pelay, mais les textes sont confiés à Jean-Jacques Burah, dont mis à part un ou deux morceaux pour Jean-Luc LAHAYE auparavant, la collaboration avec DELPECH reste la seule véritablement solide de la carrière du parolier.

Le résultat en est excellent. "Loin d'ici" et "Club video (Play)" sont largement différentes : un slow et un blues-rock FM, placées dans l'ordre inverse par rapport à "Docker" (1980) voire d'anciens singles des années 70 (Le "Loir-et-Cher") où la ballade était plutôt située en deuxième position. Elle sont reliées par des thématiques en vogue sur fond urbain, loin de l'esprit hippie campagnard du DELPECH de la vingtaine d'années ; celui-ci se dirige peu à peu vers les 40.

"Loin d'ici" reprend l'idée de séparation, le fait de voir l'ex-compagne s'en aller dans un décor de rues et de taxis, le fait de se sentir seul dans l'immensité de la ville, quelle qu'elle soit. Une fois de plus, la voix de DELPECH, légèrement plus rauque avec l'âge, fait merveille. La basse veloutée du grand Jannick Top épouse les claviers brumeux de Michel Bernholc, toujours présent et directeur des arrangements.

Ce sont autant d'éléments qui peuvent faire penser à une chanson d'un autre Michel (BERGER), devenu superstar à son tour entretemps. Sans oublier le sax de Patrick Bourgoin, dont on reconnaît la nervosité allant crescendo au cours d'un long solo. Voilà ce qui reste à la fois une marque années 80 profonde, et une manière d'annoncer que le musicien va constituer la deuxième voix de DELPECH pendant un moment.

Il n'est cependant pas présent sur la face B, "Club video (Play)" qui évoque l'émergence du nouveau support, l'arrivée de magasins désormais dédiés dans les villes grandes et moins grandes. "Jour et nuit, je peux partir dans le tramway de mes désirs", "Play, play, tous les films de ma vie défilent dans ma tête quand j'en ai envie, tous les films de ma vie sont dans le magnéto de mon club vidéo". Comme souvent, cela paraît simple mais cela sonne très bien, grâce au chanteur comme aux paroles.

Ce morceau-cinéma est entraînant, tenu par une rythmique solide (Jannick Top, Claude Salmiéri), gorgé de guitares (monsieur Slim Pezin), on est au niveau de "Docker" pour cela. Et pour mieux s'ancrer dans l'époque également, Marcel Engel dit Celmar balance, avec Alain Wisniak, de gros effets de séquenceurs synthés qui font corps avec la mélodie et le timbre de DELPECH. Excellent, même si très connoté ! À voir maintenant ce que cela donne en 33 tours...