Michel DELPECH, au début des années 2000, s'adresse à un public de sa génération et qui l'a suivi. Il garde le caractère séducteur-crooner dans un chant qui, à défaut d'en sortir ou de montrer toutes ses possibilités, a quelque chose de rassurant, fait toujours du bien depuis 1965. Avec Comme Vous (2004), il revient davantage sur ses années hippies.

Le texte du morceau-titre en est imprégné plus qu'aucun autre. À l'époque, on prononçait beaucoup à la française ; DELPECH parle de "Gratte-fioul Dead", de cette période mêlée de rêve et de révolte pacifique, au détriment des parents et tout en s'adressant aux enfants qui auront bien leur tour. Beau titre rock sudiste et dont la chaleur s'étend à tout l'album, même si le reste n'est pas aussi enlevé. Il y a un "recyclage" avec "Petite France" (ou "Petit pays"), ballade de la fin des années 80, et l'un des meilleurs derniers singles de Michel DELPECH, réenregistré pour l'occasion.

L'artiste fait un peu penser à Alain SOUCHON et sa tendance à citer des noms propres à répétition, sur le très sympathique morceau "Nicholson & co". Le refrain prête à sourire, quand on sait bien sûr qu'une fille l'a inspiré : "J'suis pas jaloux de Paul Simon, de Woody Allen, de De Vito, mais j'peux plus voir Jack Nicholson, Harrison Ford et De Niro". Cela rappelle "La phrase de Véronique" sur l'album Oubliez Tout Ce Que Je Vous Ai Dit de 1986, mais en bien mieux !

Les filles sont toujours une préoccupation première. Même quand le narrateur veut s'en écarter : "Fuir au soleil", plein d'une belle mélancolie et l'un des deux titres "évasion" de l'ensemble avec "La course du voyageur". Là encore, très beau refrain dédié à celle qui, depuis des siècles, attend le retour de celui qu'elle aime : "Un jour, oui un jour peut-être, il reviendra de ses erreurs, quand il aura fini de faire la course du voyageur".

"Elle ne passera pas un hiver de plus ici" s'attarde sur le sentiment d'abandon et l'après, le titre de "Cet homme est seul" est suffisamment éloquent. Bref, rien d'original dans les sujets abordés, mis à part une surprise : celle d'un portrait de la ville de Chatou dans les Yvelines (78) proches de Paris, avec sérénité et impressionnisme, prétexte ensuite à une douce romance.

Le force de ce disque est que tout est beau, bien fait. La voix de DELPECH, les paroles et la musique s'accordent à merveille, l'inspiration est présente tout du long. Les musiciens dont Laurent Foulon qui réalise l'album, Betrand Belin, Eric Sauviat, Gérard Bikialo etc orientent le tout vers un style folk/country vraiment charmant, d'autant moins cliché que les guitaristes ont de la place.

Il y a de splendides exemples avec "Elle ne passera pas un hiver de plus ici" où le dobro joué au bottleneck s'accorde une longue introduction seul, les arpèges de "Cet homme est seul" et "Ce soir au cirque (chanson pour Emilie)". Cette dernière use aussi de belles nappes de synthétiseurs, tout comme "La course du voyageur". En finesse donc, et de quoi donner une belle couleur de rêve folk. Petit plus non négligeable : Michel Gaucher dont la flûte jazz sur "Y a-t-il une fille pour l'épouser ?" imite Ian Anderson (JETHRO TULL) à s'y laisser prendre ! Seul regret, une nouvelle fois : des choeurs féminins trop peu utilisés.