Nouvelle décennie, nouveau départ pour Joni MITCHELL ? Night Ride Home, son quatorzième album et dernier de ses quatre efforts financés par Geffen Records mais toujours produit par son époux Larry Klein, marque le retour de la chanteuse à un mélange de folk et de jazz comme elle le maîtrise si bien.

Finis les expérimentations pop, les vaines poursuites d’un son contemporain et les guests gadgets à outrance. Night Ride Home se recentre sur ses forces. Et ça fait du bien ! Pour l’aider dans cet effort, son vieux copain Wayne Shorter est de retour pour prêter son saxophone sur "Cherokee Louise" et "Roy’s Dad’s Cadillac", et rien que cela fait déjà plaisir. "Cherokee Louise", parlons-en d’ailleurs, c'est le petit bijou de l’album, dont le texte très loin d’être joyeux relate le viol qu’a connue une amie d’enfance amérindienne de Joni. Un texte dur soutenu par une musique élégante grâce au saxophone de Wayne et un final qui reste dans la tête.

Les textes des chansons reviennent d’ailleurs à un cadre plus intimiste. Les chansons plus politiquement engagées sont temporairement remisées au placard (elle y reviendra par la suite) pour leur préférer des thèmes plus classiques. La chanson titre lui a été inspirée par une nuit de pleine lune à Hawaiï, "Come In From The Cold" aborde la perception de l’enfance lorsqu’on a atteint la quarantaine et "The Windfall (Everything For Nothing" est un texte amer sur la tentative échouée d'une femme de chambre pour porter plainte contre Joni pour une raison obscure.

"Two Grey Rooms" raconte une histoire tragique dans la vie du réalisateur Rainer Werner FASSBINDER, qui, ne pouvant se résoudre à se séparer de son amant à cause des lois anti-gays toujours en vigueur en Allemagne à ce moment, loua une chambre désolée près de son travail afin de le voir aller et venir tous les jours (ce Paragraphe 75 appliqué de 1871 à 1994 criminalisait l’homosexualité masculine - et pas féminine, ce qui n’empêchait pas la persécution des lesbiennes -). Un clip vidéo fut tourné pour ce morceau dans un style en hommage à Fassbinder et il a été repris à plusieurs reprises, notamment par Chaka KHAN sur un album hommage à Joni.

"Slouching Towards Bethlehem" reprend un exercice laissé de côté depuis Mingus en 1979, celui de l’adaptation d’un poème en musique, en l’occurrence le Second Coming de W.B. YEATS. Si l’exercice est une réussite au niveau des paroles, Joni reprenant le poème à son compte et en faisant sa propre version tout en étant fidèle à l’originale, la partie musicale n’a pas le punch nécessaire pour suivre le chant. Heureusement, elle fera partie de la tracklist de Travelogue en 2002 et recevra une opération esthétique qui lui ira fort bien.

Malheureusement, Night Ride Home ne connaît pas la gloire. Largement oublié dans le canon Mitchellien - c’est peut-être même son album le plus sous-estimé-, il n’y a guère que "Come In From The Cold" qui sera un petit peu sur les radios FM, les singles du disque n’arrivant pas à entrer dans les Charts. C’est dommage car sans être un chef-d’œuvre, Night Ride Home est un album honnête qui voyait Joni MITCHELL retrouver enfin pied après s’être laissée coulée par des tentatives de changement hasardeuses. Si son successeur Turbulent Indigo reçoit toutes les louanges, c’est pourtant lui qui l’a remise sur le droit chemin.